[revue-presse-FNH] Petite revue de presse spéciale 'En finir avec le greenwashing' : la sélection des 7 tribunes du Monde + 2 annonces (vendredi 11 octobre)
Florence de Monclin
f.demonclin at fnh.org
Ven 11 Oct 07:48:53 CEST 2019
Bonjour à tous,
Un petit tour d'horizon avec deux possibilités d'accès aux dépêches et articles suivants :
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1- Tribune. « Le “greenwashing” est devenu un lieu commun trop facile » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/le-greenwashing-est-devenu-un-lieu-commun-trop-facile_6014224_3232.html>, Le Monde, 04/10/19, 14h00
2- Tribune. Romain Perez : « Il faut en finir avec le négationnisme écologique » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/romain-perez-il-faut-en-finir-avec-le-negationnisme-ecologique_6014251_3232.html>, Le Monde, 04/10/19, 16h39
3- Tribune. « L’absence de lignes directrices précises en matière de provisions environnementales permet bien des manipulations » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/l-absence-de-lignes-directrices-precises-en-matiere-de-provisions-environnementales-permet-bien-des-manipulations_6014261_3232.html>, Le Monde, 04/10/19, 17h15
4- Tribune. « La disruption majeure de la notation environnementale viendra des fintech » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/la-disruption-majeure-de-la-notation-environnementale-viendra-des-fintech_6014264_3232.html>, Le Monde, 04/10/19, 17h16
5- Tribune. « Les grandes écoles doivent former à la “redirection écologique” » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/les-grandes-ecoles-doivent-former-a-la-redirection-ecologique_6014262_3232.html>, Le Monde, 04/10/19, 17h16
6- Tribune. « Il faut intégrer les enjeux écologiques dans la comptabilité des entreprises » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/il-faut-integrer-les-enjeux-ecologiques-dans-la-comptabilite-des-entreprises_6014263_3232.html>, Le Monde, 04/10/19, 17h16
7- Tribune. « Il s’agit de juger les entreprises sur leurs actions et non sur leur prétendue bonne volonté » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/10/il-s-agit-de-juger-les-entreprises-sur-leurs-actions-et-non-sur-leur-pretendue-bonne-volonte_6014904_3232.html>, Le Monde, 10/10/19, 06h00
Deux annonces
8- Contre l’impunité des multinationales, passons à l’action du 11 au 19 octobre ! <http://r.email.collectifstoptafta.org/mk/mr/_SEsWu5am5RSGaGurXextZP1fCimi30TtFq61dKvdLMx5D2gEDBn195bwQhi8gT3CIixuClM8IZdWx_mzDp2Y2spBWDS7btSFWSyUyRdyEh0UlWlhbGc80k>, Collectif Stop Ceta, Newsletter du 10/10/19
9- Bande-annonce. Emission pour la Terre <https://www.programme-tv.net/videos/autres/teaser-emission-pour-la-terre-france-2_252375>, France 2, le 15/10/19 à 21h05
Bien à vous,
Florence
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TRIBUNES DU JOUR : 'En finir avec le greenwashing' : la sélection des 7 tribunes du Monde. (cf. item 1 à 7)
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> 2nd édition de My Positive Impact : les 6 lauréats du public et les 3 lauréats du jury <http://www.mypositiveimpact.org/les-solutions>
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1- Tribune. « Le “greenwashing” est devenu un lieu commun trop facile », Le Monde, 04/10/19, 14h00
Par Jérôme Courcier, Ancien responsable RSE d’une entreprise du CAC 40, est expert auprès de l’Observatoire de la responsabilité sociétale de l’entreprise /ORSE.
L’expert de la « responsabilité sociétale » Jérôme Courcier s’insurge, dans une tribune au « Monde », contre le scepticisme face aux engagements des entreprises, manifestation d’une confusion entre « bien moral » et « devoir envers les autres ».
Tribune. Le 29 août, lors de la Rencontre des entrepreneurs de France organisée par le Medef, une centaine d’entreprises françaises ont réaffirmé la nécessité d’engager une baisse drastique des émissions de gaz à effet de serre (GES). Immédiatement, certains observateurs ont parlé de « greenwashing », pointant l’écart entre les annonces faites et les engagements pris, voire les actions réalisées. Bis repetita lors de la manifestation annuelle des Principes pour l’investissement responsable (PRI) du 10 au 13 septembre à Paris : beaucoup ont glosé sur le fait qu’un grand nombre d’investisseurs signataires desdits PRI n’avaient nullement l’intention de transformer le capitalisme.
Même si le décalage entre l’image que les entreprises veulent donner d’elles-mêmes et la réalité de leurs actions effectives est d’autant plus grand que les discours sont forts, tout le monde sait que la transition écologique et sociale sera progressive. Nul ne peut en effet raisonnablement croire que, du jour au lendemain, les banques vont cesser de financer les énergéticiens, les compagnies pétrolières de développer de nouveaux projets d’exploration-production, les constructeurs automobiles de vendre des 4x4 urbains, les grands patrons de percevoir des rémunérations exorbitantes.
> Lire aussi « D’un point de vue budgétaire, une fiscalité “verte” trop incitative peut finir par poser problème »
Cette nécessaire progressivité n’a pas empêché Oxfam de publier, en 2018, une étude pointant la contradiction entre les engagements des banques françaises et le fait qu’elles consacrent toujours la majeure partie de leurs financements et investissements à l’énergie aux combustibles fossiles, appelant l’Etat à leur interdire de financer lesdites énergies. Pour ce faire, l’étude, abondamment reprise dans les médias, met en rapport les opérations de financements et d’investissements en direction de 290 énergéticiens et en direction de 89 projets d’énergies renouvelables (ENR), sur une période de deux ans.
Les cas particuliers des énergéticiens et des banques
Première surprise, du côté des énergéticiens, elle ne distingue pas ceux qui, comme EDF, produisent près de 96 % de leur électricité sans émettre de CO2, ceux qui, comme Engie, ont plus de 50 % du mix énergétique d’ores et déjà composé d’ENR, et ceux qui, comme le groupe EPH de M. Kretinsky (actionnaire indirect du Monde), se construisent un empire de centrales à charbon.
> Lire aussi Bernard Cazeneuve : « La transition écologique sera sociale et républicaine – ou ne sera pas »
Deuxième surprise, du côté des banques, elle ne fait pas de différence entre les crédits d’exploitation et de fonctionnement des capacités existantes, et les crédits d’investissement et d’accroissement desdites unités de production. Ainsi, une banque qui aurait maintenu ses crédits d’exploitation à EPH pour éviter des coupures de courant dans les pays concernés, ou encore doublé ses crédits d’investissement à EDF ou Engie pour développer des énergies renouvelables, est logée à la même enseigne qu’une banque qui aurait fait exactement l’inverse.
A contrario, l’étude sur les compagnies pétrolières et gazières publiée le 5 septembre par le think tank Carbon Tracker se concentre sur les dépenses d’accroissement de la production de combustibles fossiles, et épingle celles qui refusent de se désengager de ces nouveaux projets.
Au-delà de la communication
En tant que parties prenantes, les ONG jouent un nécessaire rôle d’alerte. Mais en stigmatisant systématiquement les acteurs économiques qui prennent des engagements pour la planète ou le bien commun, sous prétexte qu’en réalité ils défendent avant tout leurs intérêts économiques, elles pratiquent une reductio ad vitiosum (« réduction au vice »). Comme l’a montré en 1677 le janséniste Jacques Esprit, dans La Fausseté des vertus humaines, il est en effet facile d’énumérer les motifs d’intéressement qui se dissimulent derrière chaque vertu et d’en faire un vice déguisé, puis de mettre en contraste la prétendue vertu avec sa contrepartie véritable.
> Lire aussi Pierre-René Lemas : « La dimension sociale devient plus large »
Au final, tout n’est alors qu’ostentation ou déguisement, ce qui amène tout un chacun à penser que l’homme est un loup pour l’homme, et que la solution est un Etat fort. Mais comme le pose très justement le philosophe Claude Romano, « tout expliquer par le calcul, c’est en vérité renoncer à tout principe explicatif, puisque, s’il est vrai que toute action apparemment pure dissimule toujours en elle un dessein impur, le principe même de la distinction du pur et de l’impur s’effondre : rien n’est plus ni pur ni impur, et il n’y a même plus aucune différence concevable entre le vice et la vertu » (Etre soi-même, Gallimard, 2019).
Charles Péguy contre Emmanuel Kant
Alors même que le relativisme moral est généralisé, on ne peut que constater que nous avons pleinement intégré les maximes de l’éthique kantienne, à savoir qu’il faut, d’une part, agir de façon désintéressée (« que ces actions soient faites, non par inclination, mais par devoir »), et d’autre part de façon que les règles qui dictent l’action soient universalisables (qu’elles soient « choisies comme si elles devaient avoir la valeur de lois universelles de la nature », Fondements de la métaphysique des mœurs, 1785).
En vertu du premier principe, toutes les entreprises, mais aussi les ONG en recherche d’audience, donc de financements, les journalistes en quête de lecteurs, donc de publicité, sont amoraux, car intéressés. En vertu du second principe, on perd de vue « la règle des cent thalers », à savoir qu’un moindre bien, réel, vaut mieux que le plus grand bien, idéal (« Je suis plus riche avec cent thalers réels qu’avec cent thalers possibles », Kant, Critique de la raison pure). Charles Péguy moquait l’éthique kantienne, « elle a les mains pures, mais elle n’a pas de mains. Et nous, nos mains sont calleuses, noueuses, pécheresses et nous avons quelquefois les mains pleines » (Cahiers de la Quinzaine, daté du 23 octobre 1910).
> Lire aussi LVMH : Bernard Arnault entre « Greta bashing » et « greenwashing »
Dans une perspective où le bien commun est compris comme le plein développement des personnes au sein de leur communauté, il est temps d’affirmer, avec Cicéron, que la seule chose qui doit être recherchée pour elle-même, ce sont nos devoirs envers les autres, et non le « bien moral » en tant que tel. La source de la morale réside avant tout dans un devoir de concorde environnementale, sociale et politique. Elle est constituée par l’ensemble des devoirs qui nous lient à nos semblables et dont chaque homme doit s’acquitter. Sa grande règle est « que ton propre intérêt soit l’intérêt commun et qu’inversement, celui-ci soit le tien propre » (Cicéron, De officiis III, XII, 52).
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En finir avec le greenwashing : notre sélection de tribunes.
La communication des entreprises sur leurs vertus environnementales laissera toujours l’opinion sceptique si le cadre comptable et intellectuel de leur management n’est pas modifié en profondeur.
• « La disruption majeure de la notation environnementale viendra des fintech » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/la-disruption-majeure-de-la-notation-environnementale-viendra-des-fintech_6014264_3232.html>, par Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice générale de Novethic
• « Les grandes écoles doivent former à la “redirection écologique” » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/les-grandes-ecoles-doivent-former-a-la-redirection-ecologique_6014262_3232.html>, par un collectif d’enseignants-chercheurs
• « Il faut intégrer les enjeux écologiques dans la comptabilité des entreprises » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/il-faut-integrer-les-enjeux-ecologiques-dans-la-comptabilite-des-entreprises_6014263_3232.html>, par l’expert-comptable Hervé Gbego
• « L’absence de lignes directrices précises en matière de provisions environnementales permet bien des manipulations » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/l-absence-de-lignes-directrices-precises-en-matiere-de-provisions-environnementales-permet-bien-des-manipulations_6014261_3232.html>, par le chercheur Jonathan Maurice
• « Le “greenwashing” est devenu un lieu commun trop facile » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/le-greenwashing-est-devenu-un-lieu-commun-trop-facile_6014224_3232.html>, par Jérôme Courcier, expert auprès de l’Observatoire de la responsabilité sociétale de l’entreprise
• « Il faut en finir avec le négationnisme écologique » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/romain-perez-il-faut-en-finir-avec-le-negationnisme-ecologique_6014251_3232.html>, par l’économiste Romain Perez
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/le-greenwashing-est-devenu-un-lieu-commun-trop-facile_6014224_3232.html <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/le-greenwashing-est-devenu-un-lieu-commun-trop-facile_6014224_3232.html>>
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2- Tribune. Romain Perez : « Il faut en finir avec le négationnisme écologique », Le Monde, 04/10/19, 16h39
Par Romain Perez, Economiste
Dans une tribune au « Monde », l’économiste Romain Perez dénonce le « greenwashing » qui permet à des entreprises de manipuler la décision des consommateurs et des investisseurs. Il demande que le droit et la justice soient mis au service d’une transition écologique réelle.
Tribune. Admettre la vérité est une condition nécessaire au changement, tant à l’échelle personnelle que collective. Admettre par exemple la réalité des crimes contre l’humanité a permis d’en interdire la négation et, partant, d’en prévenir la répétition.
Dans le domaine de l’écologie, la vérité – complexe et parfois incertaine encore – émerge depuis plusieurs décennies. A défaut d’agir, c’est bien un « crime de l’humanité contre la vie », pour reprendre les mots de Jacques Chirac, qui se produira.
Dès lors, si nous entendons véritablement agir pour l’environnement, il nous faut reconnaître l’existence de ce crime en devenir, et considérer que sa négation, parce qu’elle est en soi un obstacle à son empêchement, est une manière d’infliger un préjudice grave à la vie et aux générations futures. A ce titre, elle constitue une infraction aux droits naturels de ces dernières, et doit être proscrite par la loi.
Le négationnisme écologique forme aujourd’hui l’argumentaire principal des intérêts économiques engagés dans les activités les plus hostiles à notre écosystème. Il y a le négationnisme explicite, qui pousse certains politiciens et autres experts, généralement en lien avec ces intérêts, à minimiser ou nier la réalité des dommages environnementaux qu’ils créent. Il y a surtout le négationnisme implicite – le fameux « greenwashing » – qui consiste à maquiller ces dommages à travers des représentations et des messages volontairement trompeurs.
Le visage trouble de la collusion
Ces deux pratiques sont des freins majeurs pour la transition écologique. Le négationnisme explicite est particulièrement utilisé dans les « débats d’experts » qui entourent certaines décisions publiques, par exemple concernant la réglementation des engrais et des pesticides. Alors même que la dangerosité de ces produits est reconnue de longue date par l’Organisation mondiale de la santé (OMS), qui fait œuvre d’autorité suprême en la matière, les lobbies au service des intérêts concernés n’hésitent pas à contester ces faits pour fragiliser la décision publique.
> Lire aussi Jézabel Couppey-Soubeyran : « Mettre la finance au service du climat, c’est la remettre au service du citoyen »
Ce négationnisme explicite prend aussi le visage trouble de la collusion, lorsque ces mêmes lobbies financent des travaux de recherche orientés. Ainsi, l’entreprise Exxon Mobil, qui continue à investir massivement dans le développement de la production d’énergie fossile, est aujourd’hui mise en cause par la justice américaine pour son soutien financier à différents journaux climatosceptiques à prétention scientifique, susceptibles d’avoir, selon les termes de l’Académie des sciences britannique, « dénaturé la science du changement climatique en niant des preuves scientifiques avérées ».
Le négationnisme implicite est plus pernicieux encore. Il permet à certaines entreprises aux activités nuisibles pour l’environnement de manipuler la décision des consommateurs et des investisseurs. Par les subterfuges de la communication, celles-ci laissent entendre à ces derniers le contraire de la réalité, en leur suggérant que leur décision d’achat ou d’investissement s’inscrit dans une démarche écologique, alors qu’au contraire elle participe de la destruction de notre écosystème.
L’ancien monde se maintient
De cette manipulation, le consommateur ressort désorienté et les organisations qui œuvrent réellement en faveur de l’environnement en sont pénalisées. Dans le flot d’images et de messages trompeurs, leurs actions semblent insignifiantes, équivalentes aux autres. Par la manipulation et le travestissement de la vérité, l’ancien monde se maintient superbement, entraînant vers l’abîme une société aveuglée.
> Lire aussi « Qu’as-tu fait, papa, alors que tu savais ? »
Proscrire le négationnisme écologique en le sanctionnant pénalement serait donc une œuvre utile aux changements tant attendus. Cela participerait d’une prise de conscience collective de la gravité de la situation et de la crise humanitaire qui se prépare. Cela faciliterait le travail des élus vis-à-vis des lobbies qui défendent les intérêts économiques les plus hostiles à notre écosystème. Cela éclairerait enfin les consommateurs sur la réalité des effets environnementaux associés à leur choix, et donnerait ainsi une légitimité incontestable aux entreprises qui agissent en faveur de la transition écologique.
> Lire aussi « Le “greenwashing” est devenu un lieu commun trop facile »
On ne doit plus pouvoir nier ou minimiser impunément la réalité des changements climatiques, ou la nocivité des intrants chimiques dans l’agriculture par exemple, alors que ces paroles ont des conséquences pour les générations futures et pour notre environnement.
La qualification juridique du crime contre l’environnement pose des difficultés, comme en atteste le rejet par le Parlement de la notion d’écocide, développée par les juristes Valérie Cabanes et Mireille Delmas-Marty et portée par l’opposition socialiste. Toutefois, tandis que le temps presse, et que se dessine le spectre d’une catastrophe inédite à l’échelle de l’humanité, il est essentiel de mettre le droit et la justice au service d’une transition écologique réelle.
§ Romain Perez est coordinateur du club de réflexion Le Jour d’après.
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En finir avec le greenwashing : notre sélection de tribunes.
La communication des entreprises sur leurs vertus environnementales laissera toujours l’opinion sceptique si le cadre comptable et intellectuel de leur management n’est pas modifié en profondeur.
• « La disruption majeure de la notation environnementale viendra des fintech » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/la-disruption-majeure-de-la-notation-environnementale-viendra-des-fintech_6014264_3232.html>, par Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice générale de Novethic
• « Les grandes écoles doivent former à la “redirection écologique” » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/les-grandes-ecoles-doivent-former-a-la-redirection-ecologique_6014262_3232.html>, par un collectif d’enseignants-chercheurs
• « Il faut intégrer les enjeux écologiques dans la comptabilité des entreprises » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/il-faut-integrer-les-enjeux-ecologiques-dans-la-comptabilite-des-entreprises_6014263_3232.html>, par l’expert-comptable Hervé Gbego
• « L’absence de lignes directrices précises en matière de provisions environnementales permet bien des manipulations » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/l-absence-de-lignes-directrices-precises-en-matiere-de-provisions-environnementales-permet-bien-des-manipulations_6014261_3232.html>, par le chercheur Jonathan Maurice
• « Le “greenwashing” est devenu un lieu commun trop facile » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/le-greenwashing-est-devenu-un-lieu-commun-trop-facile_6014224_3232.html>, par Jérôme Courcier, expert auprès de l’Observatoire de la responsabilité sociétale de l’entreprise
• « Il faut en finir avec le négationnisme écologique » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/romain-perez-il-faut-en-finir-avec-le-negationnisme-ecologique_6014251_3232.html>, par l’économiste Romain Perez
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/romain-perez-il-faut-en-finir-avec-le-negationnisme-ecologique_6014251_3232.html <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/romain-perez-il-faut-en-finir-avec-le-negationnisme-ecologique_6014251_3232.html>>
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3- Tribune. « L’absence de lignes directrices précises en matière de provisions environnementales permet bien des manipulations », Le Monde, 04/10/19, 17h15
Par Jonathan Maurice, Chercheur
Il faut former et encadrer les professions comptables sur les questions environnementales, estime, dans une tribune au « Monde », le chercheur Jonathan Maurice.
Tribune. Depuis la loi relative aux nouvelles régulations économiques (NRE) de 2001, les grandes entreprises françaises sont tenues de préciser chaque année les sommes qu’elles épargnent pour pouvoir faire face financièrement aux pollutions qu’elles peuvent provoquer. Une seconde loi, votée en 2012 à l’issue du Grenelle de l’environnement, a renforcé ces obligations. Mais aucune sanction financière n’a été prévue en cas de non-respect de ces règles. Et nos recherches montrent que leur application est en réalité très hétérogène.
Globalement, il apparaît que les montants des provisions environnementales mises de côté par les entreprises françaises sont inférieurs aux risques encourus. Par ailleurs, les comptables et commissaires aux comptes, chargés d’évaluer et certifier ces montants, manquent cruellement de repères pour s’acquitter de cette tâche de manière rigoureuse (« Quand les choix comptables liés à l’environnement ne sont pas qu’opportunistes : cas des provisions comptables environnementales », Jonathan Maurice, Finance Contrôle Stratégie n° 22/1, 2019).
Les provisions environnementales ont pour but premier de donner vie au principe pollueur-payeur. Si une entreprise détériore un site à cause de son activité, elle ne peut en effet le remettre en état que si elle a prévu les budgets nécessaires. Avec ses centrales nucléaires à démanteler à terme, les provisions environnementales d’EDF se chiffrent, par exemple, en milliards d’euros. Celles des autres entreprises, souvent en dizaines de millions. Or, les modes de calcul prêtent à discussion. Un taux d’actualisation qui varie imperceptiblement, et ce sont des millions d’euros en plus ou en moins qui seront épargnés.
Un manque de cohérence des pratiques
L’absence de lignes directrices précises permet dans un tel contexte bien des manipulations. Certaines directions financières modulent ces réserves pour gérer les résultats de l’entreprise. Ce n’est pas très compliqué : des provisions environnementales volontairement gonflées une année, et les pertes qui apparaissent au bilan légitiment, par exemple, un plan social ; des provisions diminuées à dessein une autre année, et le profit promis aux investisseurs sera obtenu malgré la conjoncture difficile (« Les provisions environnementales et la gestion stratégique des résultats : une étude canadienne », Sylvie Berthelot, Denis Cormier et Michel Magnan, Comptabilité-Contrôle-Audit n° 2, 2003 ; « Environmental Liabilities and Diversity in Practice Under International Financial Reporting Standards », Thomas Schneider, Giovanna Michelon et Michael Maier, Accounting, Auditing & Accountability Journal n° 30/2, 2017).
A l’issue d’une étude statistique, de l’examen de nombreux documents internes et de multiples rencontres avec des comptables et commissaires aux comptes, nous n’avons pas détecté à nouveau ce type de manipulations, mais le manque de cohérence des pratiques est frappant. Des directeurs comptables nous ont avoué avancer un peu à l’aveuglette et échanger régulièrement avec leurs homologues pour tenter de se faire une idée des montants qui étaient ou non acceptables. Les commissaires aux comptes naviguent aussi à vue, alors même qu’ils sont censés vérifier la rigueur des directions comptables. Ils acceptent parfois de certifier des provisions environnementales complètement différentes dans des cas similaires !
Ce manque de précision dans l’application de la loi est loin d’être anecdotique. Au moment où les poursuites judiciaires sur des thématiques environnementales se multiplient, des provisions mal calibrées sont susceptibles de provoquer, à terme, des faillites en chaîne. Pour les directions comptables des entreprises, cet à-peu-près a des conséquences délétères. Les entreprises cherchent de plus en plus à évaluer les coûts de leurs produits sur l’ensemble de leur cycle de vie, en intégrant le coût de leur recyclage et les dégâts environnementaux qui peuvent être générés. Une estimation correcte des provisions environnementales leur est absolument indispensable pour effectuer ces calculs.
Comment y parvenir ? A minima, la puissance publique doit s’engager pour former et encadrer les professions comptables sur ces questions environnementales. Voter des lois ne suffit pas. Il faut s’assurer des moyens de leur application.
§ Jonathan Maurice est chercheur à TSM Research (CNRS-université Toulouse-Capitole).
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En finir avec le greenwashing : notre sélection de tribunes.
La communication des entreprises sur leurs vertus environnementales laissera toujours l’opinion sceptique si le cadre comptable et intellectuel de leur management n’est pas modifié en profondeur.
• « La disruption majeure de la notation environnementale viendra des fintech » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/la-disruption-majeure-de-la-notation-environnementale-viendra-des-fintech_6014264_3232.html>, par Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice générale de Novethic
• « Les grandes écoles doivent former à la “redirection écologique” » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/les-grandes-ecoles-doivent-former-a-la-redirection-ecologique_6014262_3232.html>, par un collectif d’enseignants-chercheurs
• « Il faut intégrer les enjeux écologiques dans la comptabilité des entreprises » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/il-faut-integrer-les-enjeux-ecologiques-dans-la-comptabilite-des-entreprises_6014263_3232.html>, par l’expert-comptable Hervé Gbego
• « L’absence de lignes directrices précises en matière de provisions environnementales permet bien des manipulations » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/l-absence-de-lignes-directrices-precises-en-matiere-de-provisions-environnementales-permet-bien-des-manipulations_6014261_3232.html>, par le chercheur Jonathan Maurice
• « Le “greenwashing” est devenu un lieu commun trop facile » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/le-greenwashing-est-devenu-un-lieu-commun-trop-facile_6014224_3232.html>, par Jérôme Courcier, expert auprès de l’Observatoire de la responsabilité sociétale de l’entreprise
• « Il faut en finir avec le négationnisme écologique » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/romain-perez-il-faut-en-finir-avec-le-negationnisme-ecologique_6014251_3232.html>, par l’économiste Romain Perez
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/l-absence-de-lignes-directrices-precises-en-matiere-de-provisions-environnementales-permet-bien-des-manipulations_6014261_3232.html <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/l-absence-de-lignes-directrices-precises-en-matiere-de-provisions-environnementales-permet-bien-des-manipulations_6014261_3232.html>>
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4- Tribune. « La disruption majeure de la notation environnementale viendra des fintech », Le Monde, 04/10/19, 17h16
Par Anne-Catherine Husson-Traoré, Directrice générale de Novethic
Anne-Catherine Husson-Traoré, la directrice générale de Novethic, retrace, dans une tribune au « Monde », l’histoire du reporting des entreprises, sommées de produire de plus en plus de données prouvant leur verdissement.
Tribune. Le « dieselgate » a jeté le discrédit non seulement sur les constructeurs automobiles mais aussi, plus généralement, sur toute affirmation d’ordre environnemental venant d’entreprises qui avaient dûment homologuées les performances de leurs produits ! Pour retrouver leur crédibilité environnementale, celles-ci doivent maintenant être capables de montrer que leurs activités ont plus d’impacts environnementaux positifs que négatifs.
Quand on parle de « greenwashing », il ne faut pas confondre le marketing des produits de l’entreprise et le reporting environnemental de la société. Dans le premier cas, la floraison de produits plus naturels et verts les uns que les autres a entraîné une réaction des consommateurs, qui sélectionnent de plus en plus des produits éco-labellisés pour limiter les risques de greenwashing. C’est le cas de 51 % des consommateurs français, selon l’étude Greenflex 2019.
Dans le second cas, il faut pousser l’enquête un peu plus loin. La question est plutôt d’évaluer l’impact environnemental des activités d’une entreprise pour mesurer si les bénéfices qu’elle apporte (part verte) sont supérieurs aux dommages environnementaux qu’elle peut entraîner par ailleurs (part brune). Sont soupçonnées de greenwashing celles qui semblent gonfler artificiellement leur part verte.
Bientôt un référentiel commun
Tant que règne la confusion sur ce qui est vert ou pas, c’est une manœuvre relativement facile. L’Union européenne espère y mettre fin en instaurant, en 2022, un référentiel commun d’activités dites vertes, adopté par tous les Etats membres. En principe, les entreprises pourront alors communiquer sur une part verte générée par les activités répondant à cette taxonomie officielle. En attendant, la mesure d’impact des risques climatiques et la compatibilité avec les objectifs de l’accord de Paris sont en train de devenir les nouveaux paradigmes de la notation environnementale des entreprises.
Quand ont émergé les grilles d’analyse d’entreprises dites extrafinancières au début des années 2000, les critères environnementaux relevaient souvent plus de la certification et du management que des produits eux-mêmes. Concrètement, la banque la mieux notée à l’époque faisait certifier ses agences et les constructeurs automobiles, leurs usines : peu importent que l’argent finance des produits bruns ou que les voitures émettent trop de CO2. C’est pourquoi Volkswagen était, et est restée, après la crise qui lui a fait perdre des dizaines de milliards d’euros, bien notée pour le management environnemental de ses usines de production !
Depuis l’adoption de l’accord de Paris, en 2015, on attend plutôt des entreprises qu’elles expliquent comment elles transforment leurs modèles économiques pour devenir neutres en carbone. Complexité supplémentaire : certaines activités sont incompatibles avec la limitation à 20 C du réchauffement climatique – l’exploitation des énergies fossiles, la déforestation de l’Amazonie…
On demande ainsi aux entreprises les plus exposées des scénarios de transition vers des modèles plus soutenables. Pour un pétrolier, cela consiste, en grande partie, à expliquer quel est son calendrier de reconversion en producteur d’énergies renouvelables. Pour un agro-industriel spécialiste de viande, il lui faut décrire comment et quand il compte s’affranchir du soja brésilien avec lequel les bêtes sont nourries.
« Trajectoires climat »
Ces objectifs de transition ont généré de nouveaux acteurs de l’évaluation d’entreprises, à l’image des Science Based Targets ou de la Transition Pathway Initiative, qui proposent des méthodologies d’évaluation des « trajectoires climat » des entreprises. La première valide des scénarios de réduction d’émissions de CO2 soumis par les entreprises pour atteindre la neutralité carbone à un horizon donné. Par exemple, onze entreprises du CAC 40, dont Danone, Sodexo, Saint-Gobain, Pernod Ricard et Schneider Electric, ont fait valider les leurs. La seconde initiative établit des palmarès de transition secteur par secteur. Sont disponibles les classements des constructeurs automobiles, des compagnies aériennes et du secteur pétrolier et gazier.
Ces nouvelles initiatives fournissent des éléments aux investisseurs, qui s’en servent pour pousser les entreprises les plus émettrices à transformer leur modèle économique menacé par l’accord de Paris. Ces actionnaires sont rassemblés au sein de Climate 100+, une initiative soutenue par 370 investisseurs et pesant 35 000 milliards de dollars. Elle vise à éradiquer une forme de greenwashing : l’annonce de réductions spectaculaires d’émissions dans l’absolu. Quand une compagnie explique qu’elle a baissé de 36 % ses émissions entre 1990 et 2018, c’est sans doute une bonne nouvelle, mais cela ne présage en rien de sa capacité à être neutre en carbone en 2050.
Toutefois, la disruption majeure de la notation environnementale viendra au final des fintech, capables de modéliser l’impact environnemental de telle ou telle entreprise en croisant les données de cargaisons transportées sur les océans avec celles fournies par les entreprises et, plus globalement, les émissions de gaz à effet de serre globales. Ces nouveaux évaluateurs pourront devenir le Yuka [application qui décrypte l’impact des produits alimentaires à partir des étiquettes] du greenwashing quand ils mettront à disposition du public des outils qui permettront de mesurer l’impact environnemental réel des entreprises.
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En finir avec le greenwashing : notre sélection de tribunes.
La communication des entreprises sur leurs vertus environnementales laissera toujours l’opinion sceptique si le cadre comptable et intellectuel de leur management n’est pas modifié en profondeur.
• « La disruption majeure de la notation environnementale viendra des fintech » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/la-disruption-majeure-de-la-notation-environnementale-viendra-des-fintech_6014264_3232.html>, par Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice générale de Novethic
• « Les grandes écoles doivent former à la “redirection écologique” » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/les-grandes-ecoles-doivent-former-a-la-redirection-ecologique_6014262_3232.html>, par un collectif d’enseignants-chercheurs
• « Il faut intégrer les enjeux écologiques dans la comptabilité des entreprises » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/il-faut-integrer-les-enjeux-ecologiques-dans-la-comptabilite-des-entreprises_6014263_3232.html>, par l’expert-comptable Hervé Gbego
• « L’absence de lignes directrices précises en matière de provisions environnementales permet bien des manipulations » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/l-absence-de-lignes-directrices-precises-en-matiere-de-provisions-environnementales-permet-bien-des-manipulations_6014261_3232.html>, par le chercheur Jonathan Maurice
• « Le “greenwashing” est devenu un lieu commun trop facile » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/le-greenwashing-est-devenu-un-lieu-commun-trop-facile_6014224_3232.html>, par Jérôme Courcier, expert auprès de l’Observatoire de la responsabilité sociétale de l’entreprise
• « Il faut en finir avec le négationnisme écologique » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/romain-perez-il-faut-en-finir-avec-le-negationnisme-ecologique_6014251_3232.html>, par l’économiste Romain Perez
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/la-disruption-majeure-de-la-notation-environnementale-viendra-des-fintech_6014264_3232.html <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/la-disruption-majeure-de-la-notation-environnementale-viendra-des-fintech_6014264_3232.html>>
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5- Tribune. « Les grandes écoles doivent former à la “redirection écologique” », Le Monde, 04/10/19, 17h16
Par Collectif*
La communication « verte » des grandes écoles masque mal le maintien de l’enseignement de la gestion dans le cadre du « business as usual », alors même que les manageurs de demain devront être les ouvriers de la transition, dénonce un collectif d’enseignants-chercheurs dans une tribune au « Monde ».
Tribune. Depuis quelques mois, différentes écoles de management et d’ingénieurs, universitaires ou privées, s’empressent de signer des tribunes pour une prise en compte de l’urgence climatique au cœur de leurs programmes de formation. En effet, l’amplification du décalage entre appels à la mobilisation étudiante et académique d’un côté, et direction des écoles de l’autre, devenait de plus en plus palpable. Ainsi, les « grandes écoles » seraient sur le point de relever le défi le plus héroïque de leur histoire : sauver la planète.
Mais lorsqu’on regarde de près les pratiques des formations au management (devenu aussi une composante centrale des formations d’ingénieur, de design, voire de sciences politiques), la réalité est tout autre. Les problèmes écologiques sont abordés essentiellement sous l’angle de l’économie ou de la gestion. Les concepts mobilisés (développement durable, compensation, RSE, éthique, externalités, capital naturel…) renvoient à une conception datée, anthropocentrée et fondamentalement remise en cause par les recherches en écologie, biologie, climatologie, océanographie, anthropologie… Les contenus liés à la question écologique ou climatique viennent le plus souvent se superposer à des programmes « business as usual », ou nourrir un diagnostic très général. Ainsi, par exemple, les « outils de gestion » servent à identifier l’environnement comme une ressource externe, que l’étudiant aura à piloter une fois devenu manageur.
Les business schools ont une faculté naturelle à détourner tout ce qui pourrait contraindre le déploiement des affaires économiques : faire de la responsabilité juridique externe et contraignante une affaire de « soft law » ; faire de l’éthique une « éthique des affaires » ; faire de la pauvreté dans le monde un secteur d’« opportunités » pour l’entrepreneuriat social. Face au climat qui se dérègle, à quels nouveaux détournements s’attendre ? Un entrepreneuriat de la fin du monde ? Une chasse aux opportunités immobilières résultant de la montée des océans ? Une innovation intensive pour résorber le CO2 ? Un géo-entrepreneuriat ? Créer des start-up en intelligence artificielle pour sauver les glaciers des Alpes ?
« Transition anthropocénique »
En 2018, dans les colonnes du Guardian et du Monde, le chercheur britannique en théorie des organisations Martin Parker appelait à « démolir les business schools », incapables, selon lui, de proposer des formations répondant aux besoins de transformation sociale ni même… à ceux des entreprises. Face à l’urgence climatique, la question mérite d’être reformulée : à quoi peuvent servir les business schools dans l’anthropocène ?
En signant ces appels, comptent-elles vraiment transformer, à la racine, les disciplines enseignées ? Ou vont-elles se contenter d’ajouter à la marge des modules « écologiques » pour verdir leurs maquettes ? Comptent-elles faire enseigner l’urgence écologique par des chercheurs en sciences naturelles, géologiques, climatiques, océanographiques, ou par des économistes et des gestionnaires ? Comptent-elles remettre en question les concepts de management (qui renvoie à une idée de maîtrise, de pilotage du monde), de marché, de leadership, d’environnement, d’innovation, de projet, d’entreprise ? Ou tiennent-elles tous ces concepts pour neutres à tel point que les associer à de nobles valeurs suffirait à régler les problèmes écologiques ?
Les écoles de gestion, d’ingénieurs ou de design ont un atout essentiel face à l’urgence climatique et écologique : elles sont en prise directe avec les firmes multinationales et les infrastructures technologiques qui ont été à la racine du développement industriel responsable de l’explosion des émissions de CO2depuis plus d’un siècle. Si l’on veut atténuer la sortie de route climatique, il faut « faire atterrir » (au sens de Bruno Latour) ce monde-là. Les écoles doivent s’emparer de cette mission, et former désormais à la « redirection écologique » (terme inspiré des travaux du designer Tony Fry), qui agit à la fois sur les moyens et les fins des organisations capitalistiques. Celle-ci s’inscrit alors non plus dans le paradigme du développement durable, mais dans celui d’une « transition anthropocénique ».
« Redirectionniste »
Au lieu de continuer à en faire des agents de l’aggravation du « business as usual », les écoles rendraient mieux service à leurs étudiants en les préparant à ce rôle de « redirectionniste ». Nous appelons ainsi ceux qui, dans chaque organisation du capitalisme hors-sol actuel (une entreprise, une institution publique, une mairie, une association,…), s’efforceront de la faire atterrir, elle et ses infrastructures, dans le périmètre des limites planétaires.
Les « redirectionnistes » transformeront radicalement la manière dont une entreprise va s’approvisionner. Ils transformeront les projets technologiques en des projets « low tech » sobres, fonctionnels et utiles. Ils mettront en place les protocoles de renoncement, de désinvestissement et de décroissance sur les segments incompatibles avec l’urgence climatique et l’effondrement écologique. Ils travailleront à aligner la gouvernance sur la responsabilité juridique et écologique de la firme. Ils remplaceront le lean management par une organisation industrielle de la production basée sur la disponibilité locale des ressources et la formation de marchés de proximité. Ils inventeront les nouveaux métiers, missions et trajectoires professionnelles, mais aussi les nouvelles métriques d’atterrissage des entreprises.
Tout à la fois auditeurs, évaluateurs, ingénieurs, designers et gestionnaires de cette redirection, formés aux sciences humaines et sociales comme aux sciences du vivant et de la terre, les « redirectionnistes » seraient aussi lanceurs d’alerte, devant rendre des comptes tout autant à l’organisation qui les emploie qu’à la collectivité qui les mandate. A l’image de certaines professions (auditeur, liquidateur, mandataire…), l’activité de redirection écologique devra être un processus systématique, documenté et indépendant. Une préparation à ces tâches rendrait enfin réellement crédibles les déclarations écologiques des grandes écoles et, à travers elles, du monde économique en général.
*Emmanuel Bonnet, Diego Landivar et Alexandre Monnin sont enseignants-chercheurs au Groupe ESC Clermont et membres d’Origens Media Lab, un laboratoire de recherches interdisciplinaire en sciences humaines et sociales fondé en 2010 autour du thème de l’anthropocène.
*Cosignataires :
Alexandra Bidet, chargée de recherches (CNRS, centre Maurice-Halbwachs) ; Valme Blanco, directrice des programmes (Groupe ESC Clermont) ; Manuel Boutet, maître de conférences (Groupe de recherche en droit, économie et gestion, université Nice-Sophia-Antipolis) ; Giovany Cajaiba-Santana, assistant professor (Kedge Business School) ; Jean-Claude Casalegno, enseignant-chercheur (Groupe ESC Clermont) ; Patrice Cayre, sociologue (UMR Territoires, DGER ministère de l’agriculture, Origens Media Lab) ; Jean-Yves Courtonne, post-doctorant (équipe Sustainability Transition, Environment, Economy and Local Policy (Steep) à l’Institut national de recherche en informatique et en automatique (Inria) ; Marco Dell’Omodarme, maître de conférences (UMR Arts, créations, théories et esthétiques, université Paris-I-Panthéon-Sorbonne, Origens Media Lab) ; Serge Fenet, enseignant chercheur (université Claude-Bernard-Lyon-I, Steep-Inria) ; Sylvia Fredriksson, designer et chercheuse (La Myne, Oxamyne/Remix the Commons) ; Marie-Cécile Godwin Paccard, designer et chercheuse indépendante (collectif Common Future(s)) ; Antoine Hennion, directeur de recherches (Centre de sociologie de l’innovation, Ecoles des mines de Paris, Origens Media Lab) ; Pierre-Yves Longaretti, chercheur (Institut de planétologie et d’astrophysique de Grenoble, CNRS-université Grenoble-Alpes et Steep-Inria) ; Thomas di Luccio, designer et enseignant (collectif Common Future(s)) ; Guillaume Mandil, enseignant-chercheur (université Grenoble-Alpes et Steep-Inria) ; Sophie Marmorat, enseignante-chercheuse (Groupe ESC Clermont) ; Audrey Michaud, enseignante-chercheuse (VetAgroSup) ; Ulises Navarro Aguiar, chercheur en design (université de Göteborg) ; Brigitte Nivet, enseignante-chercheuse (Groupe ESC Clermont) ; Aura Parmentier Cajaiba, maîtresse de conférences (université Côte d’Azur, Groupe de recherche en droit, économie et gestion) ; Emmanuel Prados, chercheur (responsable du Steep-Inria) ; Emilie Ramillien, chercheuse en anthropologie (Origens Media Lab) ; Tatiana Reyes, maîtresse de conférences-HDR (Centre de recherches et d’études interdisciplinaires sur le développement durable, université de technologie de Troyes) ; Cyprien Tasset, sociologue (Laboratoire de changement social et politique, université Paris-VII, Origens Media Lab).
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En finir avec le greenwashing : notre sélection de tribunes.
La communication des entreprises sur leurs vertus environnementales laissera toujours l’opinion sceptique si le cadre comptable et intellectuel de leur management n’est pas modifié en profondeur.
• « La disruption majeure de la notation environnementale viendra des fintech » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/la-disruption-majeure-de-la-notation-environnementale-viendra-des-fintech_6014264_3232.html>, par Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice générale de Novethic
• « Les grandes écoles doivent former à la “redirection écologique” » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/les-grandes-ecoles-doivent-former-a-la-redirection-ecologique_6014262_3232.html>, par un collectif d’enseignants-chercheurs
• « Il faut intégrer les enjeux écologiques dans la comptabilité des entreprises » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/il-faut-integrer-les-enjeux-ecologiques-dans-la-comptabilite-des-entreprises_6014263_3232.html>, par l’expert-comptable Hervé Gbego
• « L’absence de lignes directrices précises en matière de provisions environnementales permet bien des manipulations » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/l-absence-de-lignes-directrices-precises-en-matiere-de-provisions-environnementales-permet-bien-des-manipulations_6014261_3232.html>, par le chercheur Jonathan Maurice
• « Le “greenwashing” est devenu un lieu commun trop facile » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/le-greenwashing-est-devenu-un-lieu-commun-trop-facile_6014224_3232.html>, par Jérôme Courcier, expert auprès de l’Observatoire de la responsabilité sociétale de l’entreprise
• « Il faut en finir avec le négationnisme écologique » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/romain-perez-il-faut-en-finir-avec-le-negationnisme-ecologique_6014251_3232.html>, par l’économiste Romain Perez
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/les-grandes-ecoles-doivent-former-a-la-redirection-ecologique_6014262_3232.html <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/les-grandes-ecoles-doivent-former-a-la-redirection-ecologique_6014262_3232.html>>
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6- Tribune. « Il faut intégrer les enjeux écologiques dans la comptabilité des entreprises », Le Monde, 04/10/19, 17h16
Par Hervé Gbego, Expert-comptable et commissaire aux comptes
Dans une tribune au « Monde », l’expert-comptable Hervé Gbego propose d’utiliser le concept de conservation du capital, que celui-ci soit financier, naturel ou humain.
Tribune. Inscrire les préoccupations écologiques et sociales dans le fonctionnement même de l’économie, c’est ce qui est réclamé aujourd’hui par la société. En France notamment, la récente loi Pacte a réécrit l’article du Code civil définissant l’objet social de l’entreprise. Désormais, une entreprise, outre son objectif financier, doit être gérée « en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité ». Mais comment faire en sorte que les entreprises intègrent, dans leur fonctionnement même, ces enjeux écologiques et sociaux ? L’une des solutions que je défends est de les intégrer dans la comptabilité des entreprises, c’est-à-dire au cœur de l’économie.
Jusqu’à présent, les outils proposés pour essayer de quantifier les actions des entreprises en faveur des enjeux environnementaux et sociaux sont les reportings, comme la déclaration de performance extrafinancière (DPEF). Ces rapports présentent des indicateurs non monétaires : équivalent C02, tonnes de déchets, nombre d’arrêts maladie, etc. Ces informations non financières sont présentées en parallèle des états financiers. On a donc, d’un côté, la performance de l’entreprise vis-à-vis de l’actionnaire, exprimée en euros ; et, de l’autre, la performance vis-à-vis des autres parties prenantes (employés, clients, riverains, nature…), exprimée en des centaines d’indicateurs non financiers. Toutes ces informations se trouvent actuellement éparpillées et souffrent d’un manque de concision, et donc de lisibilité.
Pour remédier à ce défaut, l’Integrated Reporting Initiative propose de réunir dans un même ensemble les informations les plus importantes présentées actuellement dans différents rapports. Certes, elle prend en compte, en plus du capital financier, le capital humain, intellectuel, manufacturier, social, sociétal et environnemental. Mais elle utilise une conception particulière du capital : celle présentée par les économistes à l’origine des normes dites IFRS (International Financial Reporting Standards), utilisées par la plupart des groupes internationaux.
Selon ces normes, la valorisation des capitaux est faite à la valeur de marché, la fameuse « fair value ». Prenons le cas d’un employé. Selon les normes IFRS, il faudrait se demander quelle valeur crée ce dernier pour l’entreprise. Mais de quelle valeur parle-t-on ? Et qui, de l’actionnaire ou de l’employé, bénéficie de cette création de valeur ? Certains détracteurs accusent les comptabilités écologiques de type monétaire de financiariser ainsi la nature et l’humain en lui donnant un prix. Il faut bien admettre que, dans ce cas de figure, ils ont raison : quel est le prix d’un être humain ? Celui d’un arbre ?
Le modèle CARE
Pour intégrer les enjeux écologiques en comptabilité, il faut donc prendre le temps de s’accorder sur la notion de capital et, surtout, sur les principes comptables que l’on met en œuvre. Revenons à l’étymologie du mot capital : caput, la « tête » en latin, le principal, le plus important. C’est le cas du capital financier d’une entreprise, ressource primordiale. Pour permettre la création de valeur, il doit être conservé.
Pourquoi en irait-il différemment pour les autres capitaux, humains, naturels ? C’est le principe appliqué dans le modèle CARE (comptabilité adaptée au renouvellement de l’environnement), inventé en 2012 par Jacques Richard, professeur émérite à l’université Paris Dauphine, et développé avec le chercheur Alexandre Rambaud. Le but de CARE est de redéfinir la structure du bilan comptable en ajoutant, au côté du capital financier, un capital naturel et un capital humain. On obtient ainsi un instrument de gestion de la performance globale de l’entreprise.
De même que, si l’activité de l’entreprise consomme du capital financier, elle doit en assurer la restitution, si elle « consomme » (dégrade) un capital naturel (atmosphère, sol, eau, biodiversité, etc.) ou un capital humain (santé physique, mentale, employabilité, etc.), elle doit en assurer la réparation ou le maintien en bon état de conservation. De la même manière que l’actionnaire attend que l’on préserve son capital financier, un salarié attend que l’entreprise respecte son intégrité physique et psychique.
Le modèle CARE distingue clairement deux actions : en premier, la conservation de l’ensemble des capitaux de l’entreprise ; en second, la création de valeur pour l’ensemble des parties prenantes, et pas seulement les actionnaires. Il n’est donc aucunement question de donner un prix à une personne ou a à un arbre. Ce qui est comptabilisé au passif du bilan du modèle CARE n’est pas la valeur de marché, mais le coût total engagé par l’entreprise pour assurer le maintien de l’ensemble des capitaux.
Tout le monde veut créer de la valeur, mais on peut omettre cette étape cruciale qu’est la conservation du patrimoine. On ne peut pas créer de la valeur en détruisant le capital initial. Nier que l’entreprise dispose d’une dette écologique est par conséquent un non-sens. Plus la dette écologique est élevée, plus l’entreprise doit transformer son modèle économique. En temps qu’expert-comptable, j’ai tendance à penser que notre rôle est de traduire l’image fidèle de l’entreprise et de compter « ce qui compte » !
Le modèle CARE est aujourd’hui enseigné par la chaire Comptabilité écologique à AgroParisTech, en partenariat avec Paris-Dauphine et l’université de Reims. La présence dans cette chaire de l’Ordre des experts-comptables de Paris-Ile-de-France est un signal fort qui doit inciter la profession à se mobiliser pour aider les entreprises à compter ce qui compte vraiment.
§ Hervé Gbego est vice-président de l’Ordre des experts-comptables, président et fondateur du cabinet Compta Durable.
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En finir avec le greenwashing : notre sélection de tribunes.
La communication des entreprises sur leurs vertus environnementales laissera toujours l’opinion sceptique si le cadre comptable et intellectuel de leur management n’est pas modifié en profondeur.
• « La disruption majeure de la notation environnementale viendra des fintech » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/la-disruption-majeure-de-la-notation-environnementale-viendra-des-fintech_6014264_3232.html>, par Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice générale de Novethic
• « Les grandes écoles doivent former à la “redirection écologique” » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/les-grandes-ecoles-doivent-former-a-la-redirection-ecologique_6014262_3232.html>, par un collectif d’enseignants-chercheurs
• « Il faut intégrer les enjeux écologiques dans la comptabilité des entreprises » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/il-faut-integrer-les-enjeux-ecologiques-dans-la-comptabilite-des-entreprises_6014263_3232.html>, par l’expert-comptable Hervé Gbego
• « L’absence de lignes directrices précises en matière de provisions environnementales permet bien des manipulations » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/l-absence-de-lignes-directrices-precises-en-matiere-de-provisions-environnementales-permet-bien-des-manipulations_6014261_3232.html>, par le chercheur Jonathan Maurice
• « Le “greenwashing” est devenu un lieu commun trop facile » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/le-greenwashing-est-devenu-un-lieu-commun-trop-facile_6014224_3232.html>, par Jérôme Courcier, expert auprès de l’Observatoire de la responsabilité sociétale de l’entreprise
• « Il faut en finir avec le négationnisme écologique » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/romain-perez-il-faut-en-finir-avec-le-negationnisme-ecologique_6014251_3232.html>, par l’économiste Romain Perez
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/il-faut-integrer-les-enjeux-ecologiques-dans-la-comptabilite-des-entreprises_6014263_3232.html <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/il-faut-integrer-les-enjeux-ecologiques-dans-la-comptabilite-des-entreprises_6014263_3232.html>>
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7- Tribune. « Il s’agit de juger les entreprises sur leurs actions et non sur leur prétendue bonne volonté », Le Monde, 10/10/19, 06h00
Par Olivier Petitjean, journaliste, coordinateur de l’Observatoire des multinationales
Face à l’atonie des pouvoirs publics, la société civile a raison de demander des comptes aux entreprises sur le « greenwashing », estime le journaliste Olivier Petitjean, dans une tribune au « Monde ».
Tribune. Dans une tribune datée du 4 octobre, Jérôme Courcier s’en prend aux ONG – et notamment à Oxfam – qui « stigmatis[e]nt systématiquement les acteurs économiques qui prennent des engagements pour la planète ou le bien commun » (« Le “greenwashing” est devenu un lieu commun trop facile »). Il suggère que leurs accusations de greenwashing à l’encontre des grandes entreprises sont trop faciles, dès lors que la « transition écologique et sociale » ne peut être que « progressive ».
> Lire aussi « Le “greenwashing” est devenu un lieu commun trop facile »
Il donne ensuite quelques exemples de phénomènes qui ne peuvent pas s’arrêter « du jour au lendemain » : l’ouverture de nouveaux gisements de pétrole et de gaz, l’envahissement de nos villes par les 4x4, les rémunérations patronales exorbitantes. Mais il ne faut pas se voiler la face. Dans aucun de ces trois domaines, malgré les grands discours sur la limitation des émissions de gaz à effet de serre, sur les nuisances de l’automobile en ville ou sur le partage des richesses, on ne voit de signe tangible d’un début de changement de direction. On n’est pas ici dans la « progressivité » ; on est encore dans la régression.
Réalité des chiffres
Avant, pendant et après la signature de l’accord de Paris, les grandes entreprises françaises ont multiplié les déclarations et les engagements sur leur rôle dans la sauvegarde du climat. Mais si l’on regarde la réalité des chiffres, moins d’un tiers du CAC40 a effectivement réduit ses émissions de gaz à effet de serre depuis la COP21. Certains « champions » français de l’automobile (PSA, Valeo) ou de la mode (LVMH, Hermès, Kering) les ont même augmentées de manière significative. La seule firme française à avoir sensiblement réduit son bilan carbone, Engie, ne l’a fait qu’en revendant ses actifs dans le charbon à des investisseurs, sans bénéfice pour le climat.
Ce que les ONG comme Oxfam et bien d’autres pointent à travers la dénonciation du greenwashing, c’est cette dissociation de plus en plus marquée entre les discours publics des grandes entreprises et de leurs dirigeants, et la réalité de leurs pratiques. Disons-le : cette dissociation nous semble délétère pour le débat démocratique.
Quoi de plus légitime que des associations et des journalistes cherchent à confronter les discours et les engagements des grandes entreprises à leurs actes et à leurs décisions (ou non-décisions) ? Ces actes et ces décisions ont de lourdes conséquences ; il est normal qu’on leur demande des comptes. Les ONG ne le font d’ailleurs pas seulement de manière négative.
Lorsque le Crédit agricole a annoncé une nouvelle stratégie climat en juin, les Amis de la Terre ont été les premiers à souligner à quel point elle se démarquait ainsi de la frilosité de ses homologues dans ce domaine. De fait, cette stratégie rompt avec les arguments habituels sur la nécessaire « progressivité » de la sortie du charbon pour adopter le principe d’une tolérance zéro.
Soupçons
Dans un contexte où les pouvoirs publics le font de moins en moins, parce qu’ils semblent avoir été persuadés par les entreprises que les engagements volontaires suffisent, la société civile joue son rôle. Il est donc étonnant qu’on lui suggère ainsi d’aller regarder ailleurs et de se contenter de faire confiance à des acteurs économiques qui, à ce jour, n’ont pas donné beaucoup de gages.
Une telle posture ne peut que renforcer le soupçon, de plus en plus répandu, que la responsabilité sociale des entreprises et les engagements des grandes firmes servent avant tout à endormir le public, et à éviter qu’on leur impose des règles contraignantes sur, par exemple, les émissions de gaz à effet de serre ou les inégalités salariales.
Jérôme Courcier reproche aux ONG de souscrire à une sorte de purisme moral d’inspiration kantienne, qui leur ferait condamner des initiatives louables mais imparfaites parce qu’elles ne seraient pas entièrement « désintéressées ». La véritable question est tout autre : il s’agit de juger les entreprises sur leurs actions effectives et non plus seulement sur leur prétendue bonne volonté. Et ce, non pas tant pour distinguer des « bons » et des « mauvais » que pour pouvoir décider démocratiquement des moyens de mener à bien la « transition écologique et sociale » qu’il semble appeler de ses vœux.
Qu’il s’agisse de contenir la montée des températures ou celles des inégalités, les enjeux sont on ne peut plus sérieux. Il est temps de ne plus se payer de mots, ni de belles intentions.
§ Olivier Petitjean est l’auteur de « Devoir de vigilance. Une victoire contre l’impunité des multinationales », 2019, éditions Charles Léopold Mayer, 174 pages, 10 euros.
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En finir avec le greenwashing : notre sélection de tribunes.
La communication des entreprises sur leurs vertus environnementales laissera toujours l’opinion sceptique si le cadre comptable et intellectuel de leur management n’est pas modifié en profondeur.
• « La disruption majeure de la notation environnementale viendra des fintech » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/la-disruption-majeure-de-la-notation-environnementale-viendra-des-fintech_6014264_3232.html>, par Anne-Catherine Husson-Traoré, directrice générale de Novethic
• « Les grandes écoles doivent former à la “redirection écologique” » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/les-grandes-ecoles-doivent-former-a-la-redirection-ecologique_6014262_3232.html>, par un collectif d’enseignants-chercheurs
• « Il faut intégrer les enjeux écologiques dans la comptabilité des entreprises » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/il-faut-integrer-les-enjeux-ecologiques-dans-la-comptabilite-des-entreprises_6014263_3232.html>, par l’expert-comptable Hervé Gbego
• « L’absence de lignes directrices précises en matière de provisions environnementales permet bien des manipulations » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/l-absence-de-lignes-directrices-precises-en-matiere-de-provisions-environnementales-permet-bien-des-manipulations_6014261_3232.html>, par le chercheur Jonathan Maurice
• « Le “greenwashing” est devenu un lieu commun trop facile » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/le-greenwashing-est-devenu-un-lieu-commun-trop-facile_6014224_3232.html>, par Jérôme Courcier, expert auprès de l’Observatoire de la responsabilité sociétale de l’entreprise
• « Il faut en finir avec le négationnisme écologique » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/04/romain-perez-il-faut-en-finir-avec-le-negationnisme-ecologique_6014251_3232.html>, par l’économiste Romain Perez
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2019/10/10/il-s-agit-de-juger-les-entreprises-sur-leurs-actions-et-non-sur-leur-pretendue-bonne-volonte_6014904_3232.html>
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Deux annonces
8- Contre l’impunité des multinationales, passons à l’action du 11 au 19 octobre !, Collectif Stop Ceta, Newsletter du 10/10/19
Au fil des accords de libre-échange et d’investissement, des politiques de libéralisation et de déréglementation, des avantages consentis par les pouvoirs publics, les entreprises multinationales contrôlent des pans entiers de l’activité économique en ayant de graves impacts sociaux, écologiques et démocratiques.
Depuis janvier 2019, plus de 200 organisations de 16 pays européens mènent campagne pour mettre fin à l’impunité des entreprises multinationales et obtenir des régulations contraignantes sur leurs activités. Plus de 600 000 personnes ont déjà signé un appel en ce sens.
A l’occasion de négociations importantes, tant du point de vue d’un futur Traité contraignant dans le cadre de l’ONU (Genève) que de l’avenir des tribunaux d’arbitrage (Vienne), ces mêmes organisations appellent à une semaine d’actions du 11 au 19 octobre : « ensemble, mettons fin à l’impunité des multinationales ».
>> Suite à lire à :
<http://r.email.collectifstoptafta.org/mk/mr/_SEsWu5am5RSGaGurXextZP1fCimi30TtFq61dKvdLMx5D2gEDBn195bwQhi8gT3CIixuClM8IZdWx_mzDp2Y2spBWDS7btSFWSyUyRdyEh0UlWlhbGc80k <http://r.email.collectifstoptafta.org/mk/mr/_SEsWu5am5RSGaGurXextZP1fCimi30TtFq61dKvdLMx5D2gEDBn195bwQhi8gT3CIixuClM8IZdWx_mzDp2Y2spBWDS7btSFWSyUyRdyEh0UlWlhbGc80k>>
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9- Bande-annonce. Emission pour la Terre, France 2, le 15/10/19 à 21h05
Le mardi 15 octobre, à 21h05, France 2 proposera un prime spécial intitulé "L'Emission pour la Terre", animé par un duo inédit composé par Anne-Elisabeth Lemoine et Nagui. Cette soirée en direct du Palais de Chaillot à Paris sera menée en partenariat avec la Fondation pour la nature et l'homme de Nicolas Hulot et le média en ligne "Brut Nature", avec un credo : "pas de promesses de dons, mais des promesses d'actions".
> Bande-annonce à voir à :
<https://www.programme-tv.net/videos/autres/teaser-emission-pour-la-terre-france-2_252375>
En savoir plus :
<https://www.ozap.com/actu/-l-emission-pour-la-terre-anne-elisabeth-lemoine-et-nagui-en-duo-le-15-octobre-sur-france-2/583808>
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– Une revue consacrée aux liens entre environnement et inégalités sociales <http://www.fondation-nicolas-hulot.org/magazine/une-revue-consacree-aux-liens-entre-environnement-et-inegalites-sociales/?page=0&magazine_categorie%5B%5D=26>, juin 2015
– Démocratie participative : guide des outils pour agir <http://think-tank.fnh.org/sites/default/files/documents/publications/publication_etat_deslieaux_democratie_participative_0.pdf>, Etat des lieux & Analyses n°3, nouvelle édition, mars 2015
– Mobilité au quotidien - Comment lutter contre la précarité ? <http://think-tank.fnh.org/sites/default/files/documents/publications/etude-mobilite-precarite.pdf>, Etat des lieux & Analyses, septembre 2014
– Etude. Les solutions de mobilité soutenable en milieu rural et périurbain <http://think-tank.fnh.org/sites/default/files/documents/publications/etude-solution-mobilite-soutenable.pdf>, Fondation Nicolas Hulot & RAC France, juillet 2014
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