[revue-presse-FNH] Petite revue de presse centrée sur agriculture (dont OGM), alimentation, forêt, pêche, apiculture et jardinage (jeudi 6 août)

Florence de Monclin f.demonclin at fnh.org
Jeu 6 Aou 12:57:38 CEST 2020


Bonjour à tous,

Un petit tour d'horizon avec deux possibilités d'accès aux dépêches et articles suivants : 
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1- Conditions de travail et de vie indignes : enquête sur les saisonniers, ces damnés de la terre <https://www.lejdd.fr/Societe/conditions-de-travail-et-de-vie-indignes-enquete-sur-les-saisonniers-ces-damnes-de-la-terre-3982756>, Le JDD, 27/07/20, 09h00
2- Vorace et omnivore, le crabe aux pinces bleues a envahi le littoral méditerranéen <https://www.lejdd.fr/Societe/vorace-et-omnivore-le-crabe-aux-pinces-bleues-a-envahi-le-littoral-mediterraneen-3982842>, Le JDD, 28/07/20, 07h00
3- En un an, les prix des fruits issus de l'agriculture conventionnelle ont augmenté de 17% <https://www.bfmtv.com/economie/en-un-an-les-prix-des-fruits-issus-de-l-agriculture-conventionnelle-ont-augmente-de-17_AD-202007290002.html>, BFM Eco, 29/07/20, 05:55
4- Flotte de pêche près des Galapagos : l'Equateur exprime son "malaise" à la Chine <https://www.geo.fr/environnement/flotte-de-peche-pres-des-galapagos-lequateur-exprime-son-malaise-a-la-chine-201416>, AFP, 29/07/20, 20:00
5- Enquête "Le retour des communs" (4/6). Posséder la terre en « commun » pour mieux la protéger <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/30/posseder-la-terre-en-commun-pour-mieux-la-proteger_6047648_3451060.html>, Le Monde, 30/07/20, 05h22
6- Dans un marché ultra-mondialisé, la fleur veut se relocaliser chez elle <https://www.geo.fr/environnement/dans-un-marche-ultra-mondialise-la-fleur-veut-se-relocaliser-chez-elle-201420>, AFP, 30/07/20, 08:00
7- Reportage. Le coton équitable, un espoir pour les paysans de l’Odisha en Inde <https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/07/31/le-coton-equitable-un-espoir-pour-les-paysans-de-l-odisha-en-inde_6047776_3244.html>, Le Monde, 31/07/20, 05h32
8- Tribune. « L’Europe peut nous aider à sauver l’Amazonie » <https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/07/31/l-europe-peut-nous-aider-a-sauver-l-amazonie_6047779_3232.html>, Le Monde, 31/07/20, 06h00
9- Les projets d’abattage mobile à la ferme connaissent un coup d’accélérateur <https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/07/31/les-projets-d-abattage-mobile-a-la-ferme-connaissent-un-coup-d-accelerateur_6047804_3244.html>, Le Monde, 31/07/20, 11h07
10- Enquête "Le retour des communs" ( 5/6). L’aventure citoyenne des semences paysannes, « commun » nourricier <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/31/l-aventure-citoyenne-des-semences-paysannes-commun-nourricier_6047785_3451060.html>, Le Monde, 31/07/20, 19h10
11- Feu de forêt maîtrisé à Anglet, 165 hectares détruits, enquête ouverte <https://information.tv5monde.com/info/feu-de-foret-maitrise-anglet-165-hectares-detruits-enquete-ouverte-369311>, AFP, 31/07/20, 22:00
12- Augmentation de 28% des incendies en Amazonie brésilienne en juillet <https://information.tv5monde.com/info/augmentation-de-28-des-incendies-en-amazonie-bresilienne-en-juillet-369493>, AFP, 01/08/20, 18:00
13- Californie : les pompiers peinent à contenir un incendie à l'est de Los Angeles <https://information.tv5monde.com/info/californie-les-pompiers-peinent-contenir-un-incendie-l-est-de-los-angeles-369602>, AFP, 03/08/20, 06:00
14- Origines, répartition, conséquences : visualisez l’évolution des feux de forêts en France <https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/08/03/origines-repartition-consequences-visualisez-l-evolution-des-feux-de-forets-en-france_6048065_3244.html>, Le Monde, 03/08/20, 21h09
15- Brésil : les pompiers dans l'enfer des incendies au Pantanal <https://information.tv5monde.com/info/bresil-les-pompiers-dans-l-enfer-des-incendies-au-pantanal-369754>, AFP, 04/08/20, 10:00
16- Incendie près de Marseille : 1.200 évacuations avant une nuit de lutte contre le feu <https://information.tv5monde.com/info/incendie-pres-de-marseille-1200-evacuations-avant-une-nuit-de-lutte-contre-le-feu-369852>, AFP, 05/08/20, 03:00

Bien à vous,
Florence

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ENQUÊTE DU JOUR : Le retour des communs : la terre et les semences paysannes. (cf. item 5 & 10)
CHIFFRE DU JOUR : L'association Familles rurales constate une hausse de 17% pour les fruits issus de l'agriculture conventionnelle surtout pour les nectarines, les poires, les pêches et les cerises. (cf. item 3)
ESPOIRS DU JOUR : — Pour contrer l’hégémonie des Pays-Bas et vendre des bouquets maison moins gourmands en carbone, la tendance du "slow-flower" commence à pousser en Europe. (cf. item 6)
— Dans les collines en bordure du Golfe du Bengale, des milliers de cultivateurs indiens frappés par la crise du Covid-19 espèrent rebondir grâce à la filière équitable qui les aide à lutter contre les OGM et à basculer dans l’agriculture bio. (cf. item 7)
DOSSIER DU JOUR : Amazonie, Pantanal, Californie, France, les incendies augmentent dangereusement en cette période de l’année. (cf. item 11, 12, 13, 14, 15, 16 & suite)
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1- Conditions de travail et de vie indignes : enquête sur les saisonniers, ces damnés de la terre, Le JDD, 27/07/20, 09h00
Louise Audibert et Guylaine Idoux

Une explosion des cas de Covid-19 chez les ouvriers agricoles de Provence révèle les conditions de travail indignes de milliers de vrais-faux "salariés détachés". Même en plein confinement, ces saisonniers ont été acheminés vers la France par des sociétés d'intérim européennes. Notamment l'espagnole Terra Fecundis, dans le viseur de la justice.
Les cigales sont déjà bien en place mais les touristes, eux, tardent à venir en Provence. Au camping de Noves, paisible bourg agricole des Bouches-du-Rhône, certains mobil-homes sont encore vides. Le Covid-19 est passé par là. Rien de grave, assure la patronne, une petite femme replète qu'on écoute vanter ses trois étoiles au palmarès des campings, ses sanitaires rénovés, son impeccable protocole anti-Covid. On attend la suite, celle que tout le monde connaît au village… Rien. Alors on l'aide un peu : "Pourquoi ces hauts murs fermés par de grands portails dans une partie du camping ?" La femme se fige. Derrière elle, le mari, occupé sur un ordinateur, s'interrompt. "Ah oui… Ce sont des ouvriers agricoles qui sont logés là. Ne vous inquiétez pas, vous ne les verrez jamais." 
Des bataillons de "travailleurs détachés intérimaires" en France
Effectivement, les 133 saisonniers, tous étrangers, partent dès l'aube. Le portail s'ouvre une fois pour laisser passer les fourgonnettes blanches qui les transportent aux champs. Au retour, le portail s'ouvre une seconde fois. Terminé, tout le monde descend. "Ils sont bien, ici", assure la patronne.
> Lire aussi - Coronavirus : comment les agriculteurs trouvent des saisonniers malgré le confinement
On devra la croire sur parole puisque nul n'a le droit d'entrer dans ce quartier réservé, à part les ouvriers, qui, eux, n'ont pas le droit de sortir. Ou alors, juste pour aller faire les courses au Casino du coin, une fois par semaine. Sinon, le règlement est clair : d'un côté les vacanciers, de l'autre les travailleurs. Pour eux, ni piscine, ni sieste sur les transats, ni soirée disco. Les murs aveugles qui séparent les deux mondes achèvent de donner un petit air d'apartheid social à ce système bien rodé, mis en place par Terra Fecundis, l'une des plus grosses entreprises de travail temporaire espagnoles, qui envoie des bataillons de "travailleurs détachés intérimaires" en France, autrement dit des salariés que leur patron peut envoyer de façon normalement temporaire dans un autre État membre de l'Union européenne tout en cotisant au système de sécurité sociale du pays d'origine. Ce qui, dans le cas de l'Espagne, par exemple, réduit la facture finale d'un employeur français. Où l'on retrouve un mécanisme européen connu pour avoir défrayé la chronique en 2005, le fameux "plombier polonais".
La société espagnole Terra Fecundis gère tout : papiers, transport, logement, contremaîtres...
Sauf que les temps changent et qu'au camping de Noves on ne trouve nul Polonais, mais surtout des Sud-Américains et des Africains. Tous pauvres et prêts à travailler dur pour la promesse d'un salaire en euros. Et tant pis si les conditions sont rudes. Comme eux, ils seraient 3.000 à 5.000 ouvriers saisonniers acheminés chaque année par Terra Fecundis depuis Murcie, dans le sud de l'Espagne. La société a été créée en 2001 par Francisco et Juan José López, deux frères qui ont en partie grandi à Noves, où leur père, un réfugié politique espagnol, tenait un restaurant italien bien connu. Leur associé, Celedonio Perea, est un ami d'enfance. Tous trois ont développé Terra Fecundis jusqu'à en faire l'un des acteurs majeurs du paysage agricole français. En 2019, leur carnet de clientèle comptait 535 exploitations dans 35 départements.
Outre le recrutement en Espagne, la société s'occupe des papiers nécessaires, du permis de séjour au certificat de détachement qui permet de travailler en France. Tout est prévu, jusqu'aux Terra Bus, 200 euros le trajet aller depuis le sud de l'Espagne (à la charge du salarié), et puis la logistique sur place, du logement aux déplacements jusqu'aux champs en passant par l'encadrement des encargados, des contremaîtres eux aussi venus d'Espagne. Le tout à des prix cassés : 14 à 15 euros de l'heure, une redoutable concurrence pour les sociétés d'intérim françaises (20 à 21 euros de l'heure) et un recours idéal - sur le papier en tout cas - pour les grandes exploitations agricoles de Provence, ce verger de la France toujours à la peine niveau recrutement pour un métier pénible, répétitif et mal payé, dans la chaleur et la poussière.
Un "cluster" en Provence, les ouvriers confinés
Mais tout cela, les touristes ne le verront pas, ou alors fugitivement depuis leur voiture, en posant un regard distrait sur ces silhouettes courbées dans les champs. À l'heure de faire les courses au supermarché du coin, ce seront pourtant les fruits et légumes cueillis par ces petites mains qu'ils achèteront. Car, parmi les producteurs qui font appel à Terra Fecundis, on trouve les plus importantes exploitations fournissant la grande distribution, dont beaucoup sont installées en Provence. Ce sont les meilleures clientes de l'entreprise murcienne, qui leur facture jusqu'à 2 millions d'euros annuels pour ses services.
Retour au camping de Noves, où la patronne n'évoque pas non plus l'événement sanitaire qui vient de marquer son affaire au fer rouge. Fin mai, 29 saisonniers logés ici ont été testés positifs au Covid‑19, révélant l'un des premiers clusters de Provence, jusque-là plutôt épargnée par le virus. "Le 29 mai, 40 policiers ont débarqué au camping avec l'agence régionale de santé pour faire les tests", raconte Jean-Philippe Matecki, conseiller municipal de Noves, encore sous le coup de l'histoire, qui a pris un tour rocambolesque. "Les ouvriers ont ensuite été confinés au camping, tous ensemble, sans qu'on sache qui était positif, qui ne l'était pas. Forcément, ils n'avaient qu'une envie, quitter le camping. Le 3 juin, la police municipale a repéré un homme et une femme qui s'enfuyaient. On a appelé les pompiers et les gendarmes, qui ont refusé d'aller les chercher. Ils ont passé trois heures sur un trottoir, dans un périmètre de sécurité improvisé avec des rubalises, avant de se laisser ramener au camping par leur employeur."
Des conditions de vie d'une autre époque
Dans les semaines qui suivent, la préfecture de Région, sous pression, lance une campagne de dépistage systématique chez les salariés agricoles - près de 6.000 tests réalisés. Le 11 juin, une cellule de crise est créée, tardivement au goût de certains maires, dont certains confient s'être sentis bien seuls avec leurs cas positifs sur les bras : jusqu'à 287 pour les seules Bouches-du-Rhône, selon le dernier décompte. Le 16 juin, enfin, la préfecture réquisitionne deux anciens Ehpad à Miramas et Salon-de-Provence pour confiner les seules personnes infectées. "Le taux de contamination était d'autant plus élevé que la plupart des saisonniers sont logés dans la plus totale promiscuité, dans des conditions déplorables voire indignes", relève Vincent Schneegans, avocat de la CFDT.
Alerté notamment par le prêtre-ouvrier Jean-Yves Constantin, l'un de ses délégués dans le Sud, ce syndicat a été le premier à se battre pour améliorer les conditions de travail de ces salariés employés par des sociétés intérimaires européennes prêtes à tout pour améliorer leurs profits, à commencer par rogner sur le logement : mobil-homes hébergeant jusqu'à six personnes ; camps de constructions modulaires plantés au milieu des champs, sans ombre ; vieux mas décatis aux chambres surpeuplées… Poussées par la crainte sanitaire, les autorités ont multiplié les contrôles ces dernières semaines, prenant enfin des arrêtés de fermeture. Certaines photos, que le JDD a pu voir, renvoient à des conditions de vie d'une autre époque - matelas pourris d'humidité, cuisines et sanitaires collectifs souillés, sans parler des cafards, des rats et des tiques…
Interdit de protester
"La semaine dernière, se désole Jean-Yves Constantin, un monsieur m'a longuement parlé de ce qu'il vit. Puis il m'a dit une phrase qui résonne encore à mes oreilles : 'Que fais-je là à vivre comme une bête alors que ma femme et ma fille sont là-bas [en Espagne] ?' On lui a fait miroiter un travail de huit mois, avec la promesse d'un hébergement décent. Il se retrouve dans un taudis où il est surveillé, où il n'a pas la liberté de parler, d'aller et venir, et ça dans un pays qui fait rêver, la France. C'est la désespérance." Le prêtre-ouvrier a épaulé d'innombrables saisonniers en difficulté depuis vingt ans. En catimini, car ils sont effectivement sous haute surveillance : alors que nous approchions un camp de constructions modulaires repéré sur Google Maps, dans une exploitation de Saint-Martin-de-Crau, trois personnes nous ont expulsées sans ménagement, avec intimidation physique et violences verbales : "C'est votre voiture, là ? On va crever les quatre pneus et la jeter dans le canal. Dégagez !"
Quand on raconte la scène, nul n'est étonné. Les menaces sont courantes à l'adresse des salariés agricoles s'ils s'avisent de protester contre leurs conditions de travail, parfois en contradiction avec les lois françaises : tarif de 7,70 euros de l'heure (8 euros promis en Espagne), décompte des heures en fin de contrat (il est alors difficile d'en vérifier l'exactitude), paie virée - systématiquement en retard - sur un compte bancaire espagnol, heures supplémentaires ni déclarées ni rémunérées…
A Beaucaire, l'artère principale surnommée "Little Ecuador"
Parlant rarement français, ne connaissant jamais leurs droits, ces ouvriers font presque toujours profil bas : "Un client marocain avait entamé une action en justice, raconte Vincent Schneegans. Mais son frère travaillait pour la même société. Celle-ci a menacé de ne plus jamais faire travailler la famille s'il ne retirait pas sa plainte." Un parfum d'omerta flotte ainsi sur les rues de Beaucaire (Gard). Dans cette petite ville, l'arrivée de centaines de travailleurs latino-américains a littéralement transformé l'artère principale, la rue Nationale, désormais surnommée "Little Ecuador". Chaque soir, au retour des champs, on les voit descendre de camionnettes immatriculées en Espagne. Masqués, gantés, sac à l'épaule. Après quelques emplettes dans les commerces tenus par des Sud-Américains, ils s'engouffrent dans les ruelles ombragées. Très peu osent dénoncer les bailleurs ou faire valoir leurs droits.
Croisés dans une cantine colombienne, d'anciens ouvriers originaires du Pérou préfèrent ainsi ne pas évoquer leur ex-employeur. "Ils pourraient nous reprocher de parler", admet Juan. "Je ne veux pas cracher dans la main qui m'a nourri", ajoute Pedro. Avec une simple carte de séjour espagnole, impossible de travailler en direct avec les exploitants. "Un étranger non membre de l'Union européenne peut y circuler librement mais pas y travailler, à moins d'avoir une autre autorisation demandée par l'employeur au pays dans lequel il exercera un travail détaché", explique Jean-François Mayet, vice-procureur de la République à Carpentras.
Des saisonniers arrivés pendant le confinement
La peur du Covid a tout de même délié quelques langues. Telle celle de Betto Andino, jeune Paraguayen recruté par Terra Fecundis, qui a envoyé au JDD des vidéos et des photos de ses conditions de vie - affligeantes - au mas de la Trésorière, en Camargue, l'une des plaques tournantes de ce qui ressemble tout de même beaucoup à du trafic d'êtres humains : matelas à même le sol, sanitaires inondés, poubelles pleines à craquer… Malgré la pandémie, très peu portent un masque. Et impossible, vu l'exiguïté, de respecter les règles de distanciation sociale. Betto assure être arrivé de Malaga le 30 avril, ce qui fait écho à d'autres témoignages recueillis lors de cette enquête, ceux des saisonniers qui tous racontent être arrivés d'Espagne après le 18 mars, même pendant la phase la plus restrictive du confinement, alors que les Français, eux, ne pouvaient pas faire plus d'un kilomètre au-delà de leur domicile.
Il y aurait donc eu une exception agricole au confinement, durant laquelle des centaines d'ouvriers auraient fait plus de 1.000 kilomètres depuis le sud de ­l'Espagne jusqu'en Provence. D'abord dans les Terra Bus, de nuit pour être moins repérés ; puis, quand les contrôles se sont resserrés, des camionnettes blanches moins voyantes auraient pris le relais, de nuit toujours, via les petites routes secondaires. Dans l'ancien Comtat Venaissin, autour de Carpentras, leur arrivée n'est pas passée inaperçue. Alertée, la préfecture du Vaucluse diligente des contrôles. Le 17 avril au matin, gendarmes et brigades mobiles de recherche de la police aux frontières (PAF) débarquent chez un des plus gros exploitants du secteur. Sur place, 60 employés de Terra Fecundis sont contrôlés. Une enquête judiciaire pour "emploi d'une personne démunie d'autorisation de travail" est ouverte. Au passage, la provenance des saisonniers est établie : "C'est évident que certains arrivaient directement d'­Espagne", confirme le vice-procureur de la République à Carpentras.
Une utilisation dévoyée et frauduleuse du travail détaché
Inspecteurs du travail, avocats, syndicalistes, policiers et jusqu'à certains préfets, ils sont unanimes : depuis Schengen, il est illusoire d'espérer contrôler toute la frontière. Mais, dans le secret de leurs bureaux, certains vont plus loin : "Le ministère de l'Agriculture a mis la pression sur celui de l'Intérieur. Il fallait que les saisonniers puissent passer pour épauler les agriculteurs, qui agitaient le risque du manque de nourriture pour les Français." Ancien directeur du travail au ministère du même nom et fin connaisseur du dossier, Hervé Guichaoua y voit une autre raison : "Le gouvernement ne pouvait pas, par simple instruction, bloquer à la frontière ces salariés détachés car cette décision aurait eu pour effet d'interdire aux entreprises étrangères d'exercer leur droit à la libre prestation de services reconnu par l'article 56 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne [TFUE]." Autrement dit, le droit européen pourrait, en cas de recours, primer la sécurité sanitaire… Cela paraît incroyable, pourtant c'est ainsi. Terra Fecundis* en a profité en continuant d'envoyer ses salariés.
Le ministère de l'Agriculture a mis la pression sur celui de l'Intérieur. Il fallait que les saisonniers puissent passer pour épauler les agriculteurs
Les enjeux économiques sont énormes. "De 2016 à 2019, cette société a envoyé plus de 10.000 salariés agricoles en France, pour un chiffre d'affaires qui varie de 50 à 70 millions d'euros annuels, réalisé de 70 à 80% sur notre territoire", résume Paul Ramackers, directeur du travail à la Direccte (direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi) Occitanie. Auteur de livres de référence sur l'inspection du travail, cet homme discret mais déterminé est l'un de ceux qui ont suivi ce dossier depuis plus d'une dizaine d'années. Un patient travail de l'ombre qui l'a amené à considérer l'activité de Terra Fecundis comme une utilisation dévoyée et frauduleuse du travail détaché. "Ce prestataire espagnol exerce une activité permanente, stable et continue sur notre territoire, expose-t‑il. Autrement dit, elle aurait dû déclarer ses intérimaires en France et payer les contributions dues aux Urssaf."
Pourtant, Terra Fecundis n'a été assignée que tardivement en justice. Hervé Guichaoua y voit une défaillance de l'État : "Manque de coordination, d'impulsion, passivité d'analyse juridique des faits constatés, aucune valorisation de la jurisprudence… Les pratiques de Terra Fecundis sont connues du ministère du Travail depuis au moins 2001."
La suite au tribunal
Mais les temps changent. Voilà Terra Fecundis dans le collimateur de la justice française pour plusieurs affaires, dont la plus emblématique, l'un des plus gros dossiers de dumping social jamais vus, se tiendra devant la 6e chambre correctionnelle du tribunal judiciaire de Marseille en novembre. De 2012 à 2015, la période retenue par la procédure pénale, 112 millions d'euros auraient échappé à la Sécurité sociale. L'une des enquêtes de cette vaste affaire a été ouverte en 2014 pour "travail dissimulé en bande organisée", après la mort par déshydratation d'un Équatorien trois ans plus tôt alors qu'il ramassait des melons. Coordonnées par la juridiction interrégionale spécialisée (Jirs) de Marseille, les investigations, conduites par l'inspection du travail, la PAF et l'Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI), auraient fini par mettre au jour un vaste système de dévoiement du statut des travailleurs détachés. Ultime ironie, ce procès, d'abord prévu en mai, a finalement été repoussé pour cause de confinement.
Dans le Gard aussi, les dossiers s'empilent. "Pour l'heure, nous en avons déjà trois en cours contre Terra Fecundis, pour de nombreux motifs", résume Éric Maurel, procureur de la République à Nîmes. Et ce n'est qu'un début : "Nos services envoient des lettres de mise en garde aux exploitations agricoles qui ont recours aux services de Terra Fecundis, annonce Paul Ramackers. Plus personne ne pourra se prévaloir de sa bonne foi." Les producteurs, peu sourcilleux jusqu'ici, sont désormais prévenus.
* Les responsables de Terra Fecundis et leur avocat n'ont pas donné suite aux sollicitations du JDD. Dans un communiqué publié le 7 juillet, la société a simplement indiqué qu'elle souhaitait "mettre un terme aux rumeurs lui reprochant sa gestion de la contagion par le Covid-19 de ses salariés".
<https://www.lejdd.fr/Societe/conditions-de-travail-et-de-vie-indignes-enquete-sur-les-saisonniers-ces-damnes-de-la-terre-3982756 <https://www.lejdd.fr/Societe/conditions-de-travail-et-de-vie-indignes-enquete-sur-les-saisonniers-ces-damnes-de-la-terre-3982756>>
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2- Vorace et omnivore, le crabe aux pinces bleues a envahi le littoral méditerranéen, Le JDD, 28/07/20, 07h00
Marianne Enault

Venu des États-Unis, le crabe bleu, qui dévore tout sur son passage, s'est installé dans le Bassin méditerranéen. Inquiets, les pêcheurs français s'interrogent sur sa commercialisation.
Dans les filets de Robert ­Rumeau, un drôle de crustacé s'est incrusté. Sur l'eau depuis trente-huit ans et "cinq générations", le pêcheur n'avait jusqu'à il y a peu jamais croisé ce crabe bleu. "Il est vif et puissant, avec des pinces saillantes, décrit-il. Depuis le début de l'année, tous les secteurs de l'étang de Thau [Hérault] sont touchés." Pour les biologistes marins, ce gaillard aux pinces bleues - rouges pour les femelles - qui fait des ravages sur les autres espèces n'est pas un inconnu. Son nom latin résume la bête : Callinectes sapidus. Littéralement, "bon nageur savoureux". "Il est originaire de la côte atlantique en Amérique du Nord, raconte l'expert en crustacés Pierre Noël, du Muséum national d'histoire naturelle. Là-bas, c'est une célébrité locale, on le déguste en beignet. »
> Lire aussi - L'ambroisie, ce nectar dangereux qui infeste la Région Auvergne-Rhône-Alpes
Plusieurs hypothèses sont sur la table pour expliquer son arrivée sur le littoral méditerranéen, où il entre dans la catégorie peu enviable des espèces exotiques envahissantes, troisième cause de l'érosion de la biodiversité dans le monde. "Soit il est arrivé dans les eaux de ballast des cargos, soit il y a eu des introductions intentionnelles, avance Nicolas Bierne, chercheur au sein de l'Institut des sciences de l'évolution à Montpellier. On le trouve ainsi dans des fermes aquacoles au Sénégal."
"Toutes les autres espèces ont disparu au profit de ce crabe"
En France, ce glouton féroce et peu farouche qui peut mesurer plus de 20 centimètres d'envergure, peser jusqu'à 500 grammes et parcourir 15 kilomètres par jour a été repéré pour la première fois en 2014 dans l'étang de Biguglia, en Corse, puis dans celui de Canet (Pyrénées-Orientales) en 2017. "On le trouve désormais dans toutes les zones lagunaires d'Occitanie, de Camargue et de Corse", rapporte Lauriane Vasseur, chargée de mission "Pêches" au parc naturel marin du golfe du Lion. Quatre cents individus ont été signalés l'an dernier mais on ignore la population réelle, faute de recensement spécifique. "Entre Sète et Marseillan, les pêcheurs en capturent un ou deux tous les jours, témoigne Patrice Lafont, président du comité régional conchylicole de Méditerranée. Quand on voit les dégâts qu'il a causés ailleurs, nous sommes très inquiets."
Il détruit tout l'écosystème
Il faut dire que l'animal aux neuf dents sur l'avant de la carapace est vorace. Omnivore, il s'attaque à tout ce qui croise sa route, avec une préférence pour les moules et les palourdes - il peut en manger 575 par jour - ainsi que pour les huîtres, dont la ­coquille ne l'impressionne guère. Mais il dévore aussi les petits poissons, les plantes et parfois même ses congénères. "Il détruit tout l'écosystème, s'alarme Patrice Lafont. Croyez-moi, ça fait peur."
Les pêcheurs et les conchyliculteurs regardent d'un œil inquiet la situation en Espagne. Le crustacé est apparu en 2012 dans le delta de l'Èbre, dans le sud de la Catalogne. "Aujourd'hui, là-bas, il n'y a plus que du crabe bleu, assure Jean-François Holley, directeur adjoint du Cepralmar (Centre d'étude pour la promotion des activités lagunaires et maritimes). Si on a la même dynamique, dans deux ans on a du crabe partout dans nos étangs."
Une réflexion sur sa commercialisation en France
De l'autre côté des Pyrénées, 2,2 millions de crabes bleus ont été capturés entre 2016 et 2019. Le gouvernement catalan a été contraint de mettre en place un plan de gestion de l'espèce, autorisant sa pêche et sa commercialisation. "C'est l'une des rares espèces invasives qui a une valeur culinaire", explique Lauriane ­Vasseur. "Franchement, c'est excellent", confirme le pêcheur sétois Robert Rumeau. Ce Terminator à pinces a la chair volumineuse et savoureuse, proche de l'étrille.
Mais l'abondance en a vite réduit l'intérêt commercial. En Espagne, où le crustacé est ajouté aux paellas et aux ragoûts ou exporté vers la Chine et la Corée du Sud, le kilo est passé de 12 euros à 0,70 euro. En Tunisie, où l'un de ses cousins sème la zizanie, une filière commerciale a également été mise en place. "Ils ont pensé qu'ils pourraient exploiter cette ressource mais ils ont en fait accéléré son développement, raconte le conchyliculteur Patrice Lafont. Aujourd'hui, toutes les autres espèces ont disparu au profit de ce crabe. Ce n'est pas pour rien qu'ils le surnomment Daech!"
Alors, du crabe bleu sur les étals des marchés du Sud? Sur le pourtour méditerranéen, une organisation de producteurs a lancé une mission de réflexion sur la question, si la bête venait à pulluler. "Encore faudra-t‑il mener une campagne de sensibilisation auprès du public, juge Marie Garrido, de l'observatoire régional des zones humides de Corse. Les gens doivent l'identifier comme mangeable."
A pêcher avec modération
"Il faut surtout favoriser les circuits courts et ne pas entretenir la ressource", insiste Pascal Romans de l'Observatoire océanologique de Banyuls-sur-Mer (Pyrénées-Orientales), qui a participé à un voyage d'études en Tunisie fin 2019. Les acteurs locaux veulent éviter que la situation devienne incontrôlable, comme en Espagne où des femelles pleines ont été ­rejetées dans l'estuaire, favorisant la croissance démographique de la population de crabes bleus. "Les retombées économiques de la pêcherie ne compenseront jamais la ­dégradation du milieu et des activités qui en dépendent", juge ­Lauriane Vasseur, à la tête d'une cellule de veille dans le golfe du Lion.
Quand on ­découvre une espèce marine envahissante, c'est déjà trop tard
Car le crabe menace tout un écosystème lagunaire riche en biodiversité qui rend de nombreux services à l'homme. Il faudra donc le pêcher, pour maîtriser son expansion, sans trop encourager cette pratique. Car l'animal n'a pas de prédateur connu hormis le poulpe, qui ne s'aventure pas dans les étangs. "Il sera impossible de l'éradiquer, explique ­Nicolas Bierne. Quand on ­découvre une espèce marine envahissante, c'est déjà trop tard. Une fois qu'elle est là, il faut vivre avec." D'autant que le crustacé connaît une reproduction hors norme, chaque femelle pouvant pondre jusqu'à 2 millions d'œufs qu'elle largue au large dans le plancton, avant de revenir dans les eaux saumâtres des lagunes et des estuaires qu'elle affectionne.
Pour surveiller son évolution, les pêcheurs sont désormais invités à signaler sa présence et à le prélever quand c'est possible. "L'enjeu est d'en savoir plus sur son cycle de vie pour cibler les périodes vulnérables de capture", explique Lauriane Vasseur. Des nasses sont en cours de test dans l'étang de Thau, avec de la sardine comme appât, quand les Espagnols, eux, l'attirent avec des os de poulet. "Il ne faut pas attendre de connaître sa biologie pour intervenir, demande le conchyliculteur Patrice Lafont, qui a lancé l'alerte dès 2018. Est-ce qu'on va réussir à le contenir ? C'est l'enjeu de l'année prochaine." À Canet et à Leucate (Aude), les pêcheurs ne comptent déjà plus les heures passées à démêler le crustacé des filets. Surtout, ne leur parlez pas du crabe aux pinces d'or.
<https://www.lejdd.fr/Societe/vorace-et-omnivore-le-crabe-aux-pinces-bleues-a-envahi-le-littoral-mediterraneen-3982842 <https://www.lejdd.fr/Societe/vorace-et-omnivore-le-crabe-aux-pinces-bleues-a-envahi-le-littoral-mediterraneen-3982842>>
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3- En un an, les prix des fruits issus de l'agriculture conventionnelle ont augmenté de 17%, BFM Eco, 29/07/20, 05:55
P.S. avec AFP

L'association Familles rurales constate des hausses importantes pour les fruits issus de l'agriculture conventionnelle surtout pour les nectarines, les poires, les pêches et les cerises.
Manger des fruits frais de saison commence à revenir cher sans rapporter plus aux producteurs. Selon le baromètre annuel de l'association Familles rurales publié mardi, les prix des fruits frais issus de l'agriculture conventionnelle ont augmenté de 17% sur un an contre 6% pour le bio. Pour les légumes les hausses ne sont que de 4% en conventionnel et de 1% en bio.
Des prix plus chers : la faute au confinement et à la météo
Et cette hausse est directement liée au confinement, explique l'association. Le manque de main d'oeuvre et la production étrangère moins présente sur les étals, sont en grande partie responsables de cette hausse des prix. Durant le confinement, la grande distribution s'est founit principalement en France. Les clients ont trouvé moins de tomates ou de fraises du Maroc et d'Espagne, et plus de produits français, plus chers.
Les prix du transport routier se sont également envolés durant le confinement, à +30%, estimait en avril Laurent Grandin, le président d'Interfel, la filière des fruits et légumes. Autre facteur : la météo. Pour certains fruits et légumes, les conditions météorologiques n'ont pas été des plus clémente.
Les augmentations "demeurent néanmoins très importantes pour les consommateurs sans pouvoir s'assurer de surcroît (d') une meilleure rémunération des producteurs", regrette l'association.
Familles rurales a réalisé 75 relevés de prix du 30 mai au 12 juin dans des grandes surfaces, des enseignes bio et des marchés, via une équipe de 46 "veilleurs consommation" dans 26 départements
>> Suite à lire à :
<https://www.bfmtv.com/economie/en-un-an-les-prix-des-fruits-issus-de-l-agriculture-conventionnelle-ont-augmente-de-17_AD-202007290002.html <https://www.bfmtv.com/economie/en-un-an-les-prix-des-fruits-issus-de-l-agriculture-conventionnelle-ont-augmente-de-17_AD-202007290002.html>>
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4- Flotte de pêche près des Galapagos : l'Equateur exprime son "malaise" à la Chine, AFP, 29/07/20, 20:00

L'Equateur a manifesté son "malaise" à la Chine concernant la présence d'une flotte de pêche autour des îles Galapagos et demandé aux plus de 260 embarcations concernées de se tenir à distance de la réserve marine de l'archipel.
"Nous avons parlé avec nos amis chinois du malaise important que cela génère pour l'Equateur", a déclaré mercredi le ministre équatorien des Affaires étrangères Luis Gallegos lors d'un entretien avec Radio Centro, en soulignant que l'opération de pêche devrait "se suspendre". 
La marine équatorienne avait alerté il y a deux semaines de la présence de quelque 260 bateaux de pêche, battant pour la plupart pavillon chinois, à proximité des Galapagos, situées à 1.000 km des côtes et qui comptent une réserve marine de 133.000 km2. 
Bien que les embarcations se trouvent dans les eaux internationales, leur proximité avec l'archipel, classé au patrimoine naturel de l'humanité, inquiète les autorités équatoriennes.
"La flotte de pêche internationale est hors de la zone économique exclusive (des Galapagos) et la préoccupation vient du fait qu'elle puisse y pénétrer ou s'y infiltrer", avait précisé mardi le ministre de la Défense, Oswaldo Jarrin, sur la chaîne Teleamazonas.
M. Gallegos a pour sa part estimé que la venue de flottes de pêche dans ce secteur "doit faire l'objet de négociations entre l'Equateur et la Chine" afin que cela ne "se répète pas de manière cyclique".
"Nous avons déjà pris contact avec Pékin pour définir une structure de négociation. J'espère que ce problème sera résolu car cela n'intéresse pas que l'Equateur, mais la protection de l'héritage des Galapagos (...) C'est une responsabilité mondiale", a-t-il souligné.
En 2017, l'Equateur avait arraisonné une embarcation battant pavillon chinois à l'intérieur de la réserve marine, avec à son bord 300 tonnes de pêche, dont des espèces de requins en danger d'extinction.
Puis l'an dernier, le président Lenin Moreno avait ordonné le déploiement de navires et avions militaires lorsqu'une autre flotte chinoise avait été repérée près de la zone économique maritime des Galapagos.
La réserve marine de l'archipel, célèbre pour ses tortues géantes et qui a inspiré sa théorie de l'évolution au naturaliste anglais Charles Darwin (1809-1882), compte plus de 2.900 espèces et comprend un sanctuaire de 38.000 km2, où se trouve la plus grande population de requins de la planète.
<https://www.geo.fr/environnement/flotte-de-peche-pres-des-galapagos-lequateur-exprime-son-malaise-a-la-chine-201416 <https://www.geo.fr/environnement/flotte-de-peche-pres-des-galapagos-lequateur-exprime-son-malaise-a-la-chine-201416>>
Sur le même sujet :
> Pêche chinoise près de la réserve marine des Galapagos : Washington soutient l'Equateur, <https://information.tv5monde.com/info/peche-chinoise-pres-de-la-reserve-marine-des-galapagos-washington-soutient-l-equateur-369642> AFP, 03/08/20, 11:00
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5- Enquête "Le retour des communs" (4/6). Posséder la terre en « commun » pour mieux la protéger, Le Monde, 30/07/20, 05h22
Claire Legros

Le retour des communs » (4/6). Héritée des communaux du Moyen Age, la notion de « commun foncier » fait l’objet d’un regain d’intérêt dans le débat public. Elle est aussi expérimentée, dans une démarche sociale et écologique, par des collectifs qui bricolent le droit, faute de dispositifs adaptés.
C’est une idée vieille comme le monde, puis tombée dans les oubliettes de l’histoire, qui resurgit aujourd’hui dans le débat public à la lumière de la crise écologique : considérer les terres agricoles non plus comme une propriété privée, mais comme un « bien commun » dont la gouvernance doit être partagée afin de mieux les protéger.
La réflexion est portée par des chercheurs – philosophes, juristes, anthropologues, économistes – mais aussi par des collectifs de citoyens qui constatent les difficultés du droit moderne à protéger la terre de la surexploitation ou du bétonnage.
La situation est en effet préoccupante. Alors que la crise sanitaire due au Covid-19 a montré l’importance d’une relocalisation de la production alimentaire, plus de cent hectares du patrimoine cultivable français sont grignotés chaque jour par l’habitat (41,9 %), les réseaux routiers (27,8 %) ou les services et loisirs (16,2 %), souligne un rapport de France Stratégie publié en 2019. Chaque mois, près de 500 agriculteurs mettent la clé sous la porte sans être remplacés. Une situation qui favorise la dévitalisation des campagnes et la concentration des terres entre les mains de grandes fermes industrielles.
Epargne solidaire
Face à ce constat, des chercheurs et des citoyens explorent des formes de gouvernance plus soucieuses de la préservation des ressources. Depuis 2003, le mouvement Terre de liens met ainsi en pratique l’idée d’un « commun foncier » partout en France. Pour freiner la disparition des terres agricoles, il propose à des citoyens de participer au rachat de fermes par le biais d’une « foncière », un outil d’épargne solidaire et d’investissement dont le capital accumulé permet de racheter des biens agricoles qui ne trouvent pas de repreneur.
Le mouvement garantit que les terres ne pourront pas être revendues et qu’elles seront cultivées selon les principes de l’agriculture biologique. L’objectif est triple : « sortir la terre agricole du marché spéculatif qui favorise les grosses exploitations et l’endettement », accompagner de nouveaux paysans dans un projet de culture ou d’élevage bio et freiner la disparition de terres de plus en plus vouées au béton.
Depuis dix-sept ans, 16 000 particuliers ont choisi de placer leurs économies dans le projet et près de 6 400 hectares ont été achetés. Une grande partie des 350 paysans qui les cultivent sont nés hors du milieu agricole. Sans le coup de pouce de l’association, ils n’auraient pas pu s’installer. « L’idée n’est pas d’abolir la propriété privée, explique Tanguy Martin, responsable du débat public au sein du mouvement, mais de l’incarner différemment, de manière collective, pour expérimenter ce que pourrait être la gestion de la terre en commun dans la France du XXIe siècle. »
> Lire aussi Derrière l’appel du ministre de l’agriculture, des Français rêvent d’un retour à la terre
L’histoire des « communs fonciers », qui se confond avec celle de l’agriculture, est ancienne. Elle débute il y a 13 000 ans, quand se mettent en place les premières formes de gouvernance communautaire, alors que l’organisation des usages du sol prime sur la notion de propriété. A l’époque, les paysans s’organisent pour partager les terres afin d’y couper du bois ou d’y faire paître leurs animaux domestiques, selon des règles conçues pour garantir à la fois les droits de chacun et la préservation des ressources.
Le développement de la propriété privée et la règle des « enclosures », à la fin du Moyen Age, vont réduire considérablement ces pratiques. Pour bon nombre d’économistes, la fin des communs médiévaux signe la naissance du capitalisme.
A partir de l’époque moderne, des communs subsistent, ici et là, de manière ponctuelle. La juriste Sarah Vanuxem, enseignante-chercheuse en droit à l’université Côte d’Azur, en a ainsi retrouvé la trace dans le droit français récent avec les « sections de communes », une pratique ancienne répertoriée administrativement en 1793 et qui perdure dans plusieurs départements comme le Puy-de-Dôme, le Cantal, ou des régions telles que le Limousin, mais qu’une loi votée en 2013 vise à faire disparaître progressivement. « Il resterait entre 23 000 et 100 000 sections de communes sur le territoire français rassemblant au minimum 300 000 hectares », estime la chercheuse. Les habitants d’une section de village – souvent un hameau – s’y organisent entre eux pour partager les droits de pâturage ou d’affouage (coupe du bois) sur un terrain qui n’appartiennent ni à la commune ni à un propriétaire.
Tragédie des communs
Alors que les communs fonciers tendent à disparaître du monde occidental, le biologiste américain Garrett Hardin (1915-2003) leur donne pourtant le coup de grâce théorique en 1968. Cette année-là, il évoque, dans la revue Science, la « tragédie des communs » – le mécanisme, pour lui inéluctable, selon lequel la propriété collective d’un pâturage le condamne à la surexploitation, chacun des éleveurs ayant intérêt à y faire paître le plus de vaches possible. La conclusion de cet article qui va influencer les raisonnements économiques et politiques des décennies suivantes est sans appel : seule la division de la parcelle en propriétés distinctes, ou bien sa gestion par une administration supérieure, peut éviter la catastrophe. Hors de la propriété privée ou de l’Etat, point de salut. Bien que critiqué, le raisonnement se répand dans les milieux économiques, notamment aux Etats-Unis, à la faveur de l’essor du néolibéralisme.
A la fin du XXe siècle, les travaux d’Elinor Ostrom, chercheuse américaine en sciences politiques, contredisent cependant la théorie de Garrett Hardin. A partir d’observations de terrain, l’universitaire a démontré, avec d’autres chercheurs, que la gestion communautaire d’un bien permet au contraire de préserver durablement les ressources qui s’y trouvent – à condition que le collectif se dote de règles de gouvernance capables d’assurer la répartition des droits d’usage de chacun.
Les travaux d’Elinor Ostrom seront récompensés en 2009 par l’équivalent du prix Nobel d’économie « pour avoir démontré comment les biens communs peuvent être efficacement gérés par des associations d’usagers ». Ils inspirent, depuis, la réflexion de nombreux chercheurs qui voient dans l’action collective citoyenne une alternative à l’intervention publique ou à celle du marché.
> Lire aussi Histoire d’une notion : les communs, renouveau de la démocratie locale
La juriste Sarah Vanuxem explore ainsi, depuis 2016, le concept de « communs fonciers » à la lumière du droit foncier moderne. Dans La Propriété de la terre (Wildproject, 2018), elle invite à « chausser de nouvelles lunettes pour lire le droit de telle façon que de réels changements puissent avoir lieu face à l’urgence écologique ».
Réhabiliter la gouvernance collective du foncier permet, selon elle, de redéfinir la propriété de la terre en matière d’habitation et non plus de domination. « On oppose traditionnellement en droit les choses, considérées comme des objets, et les personnes, sujets de droit, la terre faisant alors partie des objets sur lesquels un propriétaire aurait tous les droits, y compris celui de le surexploiter. Or, il n’en a pas toujours été ainsi, cette opposition a été théorisée seulement à l’époque moderne, à partir du XVIIe siècle. » 
Bricolages juridiques
La juriste s’appuie sur les travaux de l’historien du droit Yan Thomas, qui montrent que l’Occident, pendant longtemps, n’a pas fait de distinction entre les choses et les personnes, en particulier dans le système juridique romain.
D’autres relations sont donc envisageables dans le droit contemporain, estime-t-elle, comme de considérer la terre, non pas comme un objet, mais comme un milieu à administrer. « Des systèmes où les personnes sont administratrices de la nature, plutôt que “comme maîtres et possesseurs”, selon la formule de Descartes, mériteraient d’être explorés de nouveau, à une époque où la conception que nous avons de la propriété privée ne permet plus de protéger la terre », affirme la juriste, qui propose de « lire la propriété autrement, non de la supprimer ». Son travail a été salué par l’anthropologue Philippe Descola, qui y voit « une ouverture exceptionnelle pour repenser les rapports juridiques entre humains et non-humains à l’ère de l’anthropocène ».
Car la mise en pratique de communs fonciers se révèle aujourd’hui complexe. Pour monter leurs projets, les collectifs doivent faire preuve d’imagination : ils détournent de leur usage des outils juridiques qui n’ont souvent rien à voir avec leur objectif. Un manuel intitulé « Des terres en commun ! Stratégies locales d’accès à la terre pour l’agriculture paysanne et agroécologique », publié en juin par un collectif d’associations européennes, a recensé une dizaine de ces bricolages juridiques.
> Lire aussi « L’agroécologie peut parfaitement nourrir 10 milliards d’humains »
A Terre de liens, le dispositif est chapeauté par une société en commandite par action, dont les parts sont réparties de telle façon qu’un arbitre tient lieu de garant du projet. Les actionnaires ne cherchent pas un retour sur investissement financier, mais un retour éthique et solidaire.
A Notre-Dame-des-Landes (Loire-Atlantique), les occupants du bocage, qui s’organisent aujourd’hui pour acquérir collectivement terres et bâtiments, ont opté pour un fonds de dotation, une structure à mi-chemin entre l’association et la fondation, initialement créée pour défiscaliser le mécénat : baptisé « La terre en commun », il a été lancé en novembre 2018 « sans aucun système de parts ou d’actions », explique le collectif, afin que les biens soient « placés en dehors de la spéculation et des recherches d’enrichissement personnel ».
Pour Sarah Vanuxem, ces montages juridiques « sont révélateurs d’une insuffisance » : ils invitent le législateur à élaborer des formes juridiques de gouvernance partagée.
<https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/30/posseder-la-terre-en-commun-pour-mieux-la-proteger_6047648_3451060.html <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/30/posseder-la-terre-en-commun-pour-mieux-la-proteger_6047648_3451060.html>>
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« Le retour des communs », une série en 6 épisodes
• Judith Rochfeld « Les citoyens obligent leur gouvernement à réintégrer les communs en politique » <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/27/judith-rochfeld-les-citoyens-obligent-leur-gouvernement-a-reintegrer-les-communs-en-politique_6047365_3451060.html>
• Après la crise, les communs numériques en quête de reconnaissance <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/28/apres-la-crise-les-communs-numeriques-en-quete-de-reconnaissance_6047455_3451060.html>
• Vaccins et médicaments : la longue marche vers des « communs de la santé » <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/28/apres-la-crise-les-communs-numeriques-en-quete-de-reconnaissance_6047455_3451060.html> 
• Posséder la terre en « commun », pour mieux la protéger <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/30/posseder-la-terre-en-commun-pour-mieux-la-proteger_6047648_3451060.html>
• L’aventure citoyenne des semences paysannes, « commun » nourricier <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/31/l-aventure-citoyenne-des-semences-paysannes-commun-nourricier_6047785_3451060.html>
• Les communs urbains, graines de démocratie locale <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/08/01/les-communs-urbains-graines-de-democratie-locale_6047869_3451060.html>
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6- Dans un marché ultra-mondialisé, la fleur veut se relocaliser chez elle, AFP, 30/07/20, 08:00
Nicolas Gubert, avec François Ausseill à Nairobi, Sara Magniette à La Haye et Claudine Renaud à Nice

Les Pays-Bas, place forte mondiale du business des fleurs coupées, commercialisent chaque jour des fleurs de France... en France. Pour contrer cette hégémonie et vendre des bouquets maison moins gourmands en carbone, la tendance du "slow-flower" commence à pousser en Europe.
Dans la banlieue d'Amsterdam, le ballet incessant des chariots élévateurs a repris sa course ces dernières semaines, au fur et à mesure du déconfinement du commerce mondial. 
"Dans ce marché, nous commercialisons 30.000 variétés différentes", explique fièrement à l'AFP Michel Van Schie, porte-parole de la coopérative Royal Flora Holland, géant néerlandais de l'horticulture chez qui transitent chaque jour des fleurs du monde entier.
Les chiffres varient selon les sources mais d'après Thierry Louveau, patron de la filiale française d'un autre géant néerlandais, FleuraMetz, "70% de la production mondiale de fleurs transite par la Hollande, même si elle n'est pas forcément fabriquée en Hollande".
L'histoire d'amour de la Hollande avec l'horticulture est ancestrale, allant même jusqu'à causer au XVIIe siècle le premier krach boursier de l'Histoire - quand la spéculation fondée sur le commerce des bulbes de tulipe a fait monter leur prix à des sommets avant de s'effondrer.
"L'accélération du marché" date, selon M. Louveau, des années 1950 avec la création des marchés au cadran, gérés par de grandes coopératives. Ces marchés permettent la vente par un système d'enchères électroniques inversées où le prix baisse progressivement jusqu'à trouver preneur.
"La Hollande a su s'organiser pour commercialiser la fleur, en concentrant la production, en concentrant la logistique, en créant des coopératives qui permettaient de faciliter la commercialisation", selon lui.
Une suprématie aidée par l'Etat néerlandais qui subventionne encore notamment la consommation d'énergie des serres hollandaises.
La Hollande peut aussi s'appuyer sur une production délocalisée vers des pays de l'hémisphère sud ensoleillés toute l'année et à la main-d'oeuvre bon marché, devenant parfois aussi cruciale pour l'économie de ces pays que pour celle des Pays-Bas.
Comme au Kenya, où les fleurs sont cultivées avant d'être envoyées aux Pays-bas puis distribuées un peu partout. 
"Le secteur emploie directement 200.000 personnes dans les fermes et représente plus d'un million d'emplois induits, faisant vivre 4 millions de personnes", explique à l'AFP Clement Tulezi, président du Kenya Flower Council, organisation qui chapeaute le secteur horticole du pays.
- La redoutable logistique néerlandaise -
Surtout, elle dispose d'une logistique d'une efficacité redoutable et difficile à concurrencer avec ses norias de camions qui sillonnent le continent européen.
Pour être être commercialisées, "il y a des fleurs produites en France qui partent à Amsterdam et qui reviennent en France", explique Benjamin Perot, l'un des cofondateurs en 2016 de Monsieur Marguerite, fleuriste éco-responsable, citant une partie de la production française de pivoines. 
Autre exemple: "La tulipe de Nice est produite dans la région de Nice (sud-est de la France), elle est achetée par un grossiste, elle remonte physiquement jusqu'en Hollande où elle est évaluée sur le marché au cadran qui fixe sa valeur et ensuite elle est redispatchée" en France, parfois même à Nice potentiellement, explique Hortense Harang, cofondatrice de la plateforme Fleurs d'Ici.
Face à cette concurrence féroce, nombre de floriculteurs français n'ont eu d'autre choix que de mettre la clé sous la porte ou de changer leurs méthodes.
"Il y a le prix du foncier qui vous pousse dehors, la pénibilité du métier, les retraites si petites que la tentation est grande de vendre et la concurrence : on n'augmente jamais ses prix !", résume Marie-Line Lanari, ancienne productrice d'oeillets reconvertie dans le lys, sur son exploitation qui surplombe la station balnéaire de Cagnes-sur-Mer, sur la Côte d'Azur.
Val'Hor, interprofession française du secteur, chiffre aujourd'hui à 85% la proportion de fleurs importées. "En 1972, il y avait 30.000 exploitations horticoles en France, aujourd'hui il y en a 3.500", déplore Hortense Harang. 
- "Slow-flower" -
Comme d'autres, Mme Harang affiche le souhait de contenir voire d'inverser cette tendance et de réduire l'empreinte carbone des fleurs, encouragée par une demande toujours plus forte des consommateurs depuis l'épidémie de Covid-19.
"Ce qui ressort de la crise, c'est quand même une volonté d'acheter français, une volonté d'acheter local, avec un phénomène qui est un peu calqué sur celui de l'alimentation, qu'on appelle le +slow-flower+, qui nous vient des Etats-Unis", confirme à l'AFP le président de Val'Hor, Mikaël Mercier.
Une gageure, à en croire M. Perot : "Il y a des grossistes qui essaient de faire en sorte que la part de fleurs françaises augmente, mais aujourd'hui l'assurance du 100% français est très compliquée à tenir quand on n'est pas un acteur intégré comme nous".
En cause, un maillage du territoire défaillant, de l'aveu de l'ensemble des acteurs interrogés.
En faisant appel au marché néerlandais, un fleuriste de Biarritz (sud-ouest de la France) peut avoir aujourd'hui, en appuyant sur un bouton la veille pour le lendemain, "n'importe quelle fleur" dans sa boutique, une rapidité "impensable" à l'intérieur de la France "pas assez structurée", selon M. Perot.
Pour contrer cette faiblesse, Mme Harang a créé avec la start-up Fleurs d'ici un logiciel de gestion intégrée (ERP) qui, en France mais aussi en Belgique, en Italie, au Royaume-Uni, met en relation "un horticulteur avec un fleuriste indépendant, une unité de distribution décarbonée (vélo ou véhicule électrique) et un client local".
Le phénomène de relocalisation est loin d'être cantonné à la France : au Royaume-Uni, chef de file du mouvement en Europe, la coopérative Flowers from the farm, qui réunit des producteurs de toutes tailles, comptait fin 2018 entre 400 et 500 membres. Elle en revendique aujourd'hui "plus de 800".
Selon Mme Harang, l'Italie, où est né le mouvement "slow-food", et la Belgique sont également "à fond".
Start-up et fleuristes ne sont pas les seuls à se positionner pour satisfaire cette demande de fleurs "locales" en Europe, qui attire également... les Néerlandais eux-mêmes.
Pour rentabiliser le transport, "ce qu'on a imaginé, c'est de pouvoir rajouter (dans les camions) de la plante verte française à la fleur française", explique M. Louveau, du groupe néerlandais FleuraMetz. Un projet qui était prévu pour mars/avril dernier, mais remis à plus tard par la crise sanitaire.
Alors que la paralysie de l'activité économique due à l'épidémie a ces derniers mois mis en relief les risques de rupture de chaînes d'approvisionnement dans un monde ultra-globalisé et remis au goût du jour la production locale, industrielle, pharmaceutique ou textile, l'envie de mettre en avant des fleurs made in France est plus tangible que jamais, souligne Sylvie Robert, directrice de l'association Excellence Végétale, qui développe le label Fleurs de France créé en 2015.
"On va atteindre pas loin de 2.000 entreprises engagées, tous corps de métiers confondus", indique Mme Robert, selon qui lors des six premiers mois de 2020, "des enseignes de distribution notoires" comme Auchan ont rejoint la démarche.
Après le pic de la crise sanitaire, "ce n'est pas un petit boom mais un bon gros boom" qu'elle a pu observer, avec "jusqu'à dix sollicitations par jour" à partir du mois d'avril contre "une ou deux" habituellement.
- La rose, épine dans le pied des circuits courts -
Un obstacle de taille se dresse face à cette dynamique : la rose, qui représente "45% du marché de la fleur", rappelle M. Louveau.
S'il ne nie pas la "volonté de fleurs de saison", il se dit convaincu que le consommateur "voudra quand même offrir toute l'année des roses". Or, selon Fleurs d'Ici, en Europe "la saison des roses commence en mai-juin pour se terminer en novembre".
Un point qui rend les floriculteurs kényans optimistes après la mise à l'arrêt du secteur pendant la crise sanitaire : "Nous n'allons peut-être pas connaître une croissance à deux chiffres comme lors de la dernière décennie", dit M. Tulezi, mais les producteurs kényans "seront toujours plus efficaces".
D'autant qu'il n'y a pour l'heure aucune obligation règlementaire pour le fleuriste d'indiquer la provenance des fleurs, "contrairement à l'alimentaire", déplore Masami Lavault, floricultrice urbaine à Paris.
Malgré tout, même si les débuts peuvent être difficiles, "il y a une vraie tendance à l'installation de jeunes producteurs", constate M. Perot.
- "Au plus proche des gens" -
Masami Lavault est une pionnière de la relocalisation des fleurs en France. Derrière le cimetière de Belleville à Paris, dès l'aube on peut la voir penchée sur un champ de 1.200 mètres carrés où, armée d'un sécateur, elle taille et soigne nigelles de Damas, cosmos, calendulas, gueules de loups... Entre 200 et 250 espèces au total.
"C'est beaucoup trop : en général en agriculture, on essaie de ne pas se compliquer la vie. Mais pour moi, c'est très important d'avoir une grande diversité, pour le choix que ça permet pour les clients et aussi parce qu'un lieu où il y a beaucoup, beaucoup de plantes différentes, c'est un lieu qui est plus résilient", explique-t-elle.
Deux jours par semaine, la trentenaire procède à la cueillette de ses pensionnaires multicolores, traitées en biodynamie sans agents chimiques, qu'elle vend aux fleuristes et aux particuliers.
"Le plus intéressant, c'est de faire de la vente directe. Pour les gens, c'est génial de pouvoir venir ici, de voir comment ça marche, de voir un champ de fleurs (...). Le but de la micro-agriculture, c'est d'être au plus proche des gens qui vont consommer le produit."
<https://www.geo.fr/environnement/dans-un-marche-ultra-mondialise-la-fleur-veut-se-relocaliser-chez-elle-201420 <https://www.google.com/search?client=safari&rls=en&q=Dans+un+march%C3%A9+ultra-mondialis%C3%A9,+la+fleur+veut+se+relocaliser+chez+elle,+AFP%2Bgeo&ie=UTF-8&oe=UTF-8>>
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7- Reportage. Le coton équitable, un espoir pour les paysans de l’Odisha en Inde, Le Monde, 31/07/20, 05h32
Guillaume Delacroix (Kanikupa (Odisha, Inde), envoyé spécial)

Dans les collines de cette région bordant le Golfe du Bengale, des milliers de cultivateurs frappés par la crise du Covid-19 espèrent rebondir grâce à la filière équitable qui les aide à lutter contre les OGM et à basculer dans l’agriculture bio. 
Pour accéder aux petits lopins de cotonniers, il faut se frayer un chemin entre les buissons de lentilles jaunes qui peuvent monter jusqu’à 2 mètres de haut. La terre est rouge, les herbes sèches craquent sous la semelle et des grappes d’insectes virevoltent en tous sens. Dans cette région reculée de l’Odisha, Etat indien situé au sud-ouest de Calcutta, le relief est accidenté par les collines de Niyamgiri, dont le sous-sol est connu pour recéler bauxite, charbon, fer et manganèse.
Akshaya Kumar Sahu raconte que les sommets alentour, au profil bleuté, sont « le royaume des léopards et des éléphants sauvages ». Cet homme, âgé d’une quarantaine d’années, pilote depuis bientôt quatre ans un programme de sécurité alimentaire qui concerne 500 petits propriétaires terriens et une cinquantaine de paysans sans terre. Il les aide à améliorer leur niveau de vie et à réduire leur impact sur l’environnement en les faisant entrer dans la filière du coton équitable.
Un système qui protège les cultivateurs de toute vente à perte, grâce au respect du prix minimum garanti par l’Etat. Et qui permet d’obtenir une prime de développement financée par les marques de textile sous forme de droits de licence, à condition que les paysans se regroupent en coopérative et investissent cet argent dans des projets collectifs (microcrédit, irrigation, logement, éducation, santé…). A condition, aussi, de ne pas cultiver d’OGM, de proscrire le travail des enfants et de respecter toutes les conventions de l’Organisation internationale du travail (OIT) touchant à la santé et à la sécurité au travail.
L’épidémie de Covid-19, qui continue de battre son plein en Inde, a posé de graves problèmes de trésorerie du fait des fermetures de magasins d’habillement et des annulations de commandes de la filière textile. Au début du printemps, les paysans n’ont eu d’autre choix que de vendre leur coton sur le marché conventionnel après la levée du premier confinement, à des prix ridiculement bas.
> Lire aussi  « Le coton pris dans la toile du Covid-19 »
Mais le système du commerce équitable permet pour l’instant de tenir vaille que vaille, grâce aux primes de développement et aux distributions gratuites de semences de coton non OGM pour la saison 2020-2021.
Une culture gourmande en eau
Aux abords du village de Kanikupa, où travaillent soixante-dix agriculteurs, les femmes arrivent à l’aube. Elles ont entre 45 et 70 ans et passent leurs journées à décrocher de leurs mains délicates la ouate blanche qui parsème les champs brûlés par le soleil. Le coton, perlé de rosée, atterrit dans un pli de leur sari, avant de rejoindre de grands sacs. L’une des cueilleuses, qui s’exprime dans la langue de sa tribu, les Khonds, dit venir là « huit heures par jour après deux kilomètres de marche », afin de pouvoir nourrir ses trois filles. Une autre se vante de ramasser « 25 kilos de coton par jour ».
Parmi les grands producteurs de coton au monde, l’Inde est aujourd’hui au coude à coude avec la Chine, à 5,9 millions de tonnes par an, devant les Etats-Unis (4 millions de tonnes), le Brésil (2,6 millions) et le Pakistan (1,7 million). Son territoire fournit 90 % du coton équitable produit dans le monde, soit environ 20 000 tonnes de coton fibre.
Au bord du sentier, des hommes s’affairent autour de quatre puits en cours de creusement. L’Odisha, réputé avant-gardiste dans la culture du coton équitable, a débloqué pour ce projet une aide de 1,5 million de roupies (environ 17 000 euros). « Ce n’est pas une raison pour se laisser aller au gaspillage, tient à préciser Akshaya. La gestion de la ressource est l’une des premières choses que l’on enseigne à la communauté. » Le coton, c’est connu, est gourmand en eau. Mais en Inde, il l’est plus que partout ailleurs. Alors qu’il faut en moyenne 10 000 litres pour produire 1 kg de fibres, il faut ici 22 500 litres, d’après Water Footprint Network.
> Lire aussi  L’Inde affronte une crise de l’eau sans précédent
Cet immense gâchis vient de l’inefficacité des systèmes d’irrigation et d’arrosage, mais aussi de l’emploi de pompes électriques subventionnées par l’Etat, lesquelles encouragent les paysans à creuser des puits et à se servir allègrement dans les nappes phréatiques. En outre, si l’Odisha, comme le Jharkhand et le Bihar, bénéficie d’un climat humide où l’évaporation demeure limitée, c’est loin d’être le cas dans les Etats semi-désertiques du Gujarat et du Rajasthan, où pousse l’essentiel du coton et où les pertes en eau sont colossales.
A ce sombre panorama s’ajoute l’usage sans limite des pesticides. La culture du coton ne représente que 2 % à 3 % des terres cultivées de la planète mais elle capte un quart des substances chimiques employées pour tuer les parasites, dont certaines sont considérées comme « extrêmement dangereuses » par l’Organisation mondiale de la santé.
Une plante particulièrement vulnérable aux prédateurs
En Inde, la proportion est deux fois plus élevée : le coton consomme à lui seul la moitié de tous les pesticides pulvérisés dans les campagnes. Des produits que l’on retrouve dans la nature, sans aucun contrôle, depuis que la « révolution verte » des années 1960 a poussé à la production intensive, en faisant venir des variétés de coton étrangères qui n’ont pas manqué d’introduire dans le pays de nouvelles maladies et augmenté les besoins en produits chimiques pour les circonvenir.
C’est que la plante est particulièrement vulnérable aux prédateurs. Dans l’Odisha, les agriculteurs se méfient notamment de la cicadelle, une sorte de sauterelle qui se nourrit de sa sève, mais aussi de l’aleurode, une mouche blanche aux ailes cornées, du ver rose, qui s’installe dans les capsules de coton, et du gendarme, communément appelé colorant rouge.
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Akshaya Kumar Sahu intervient sous l’égide de Chetna Organic, un groupe de douze coopératives labellisées « équitables » par Fairtrade-Max Havelaar, qui réunit 33 500 paysans de l’Odisha, du Maharashtra et du Telangana. Faute d’arriver à attirer des filateurs dans la filière équitable, l’ONG internationale ne garantit pour l’instant que la production de la fibre, contrairement à la World Fair Trade Organisation (WFTO) qui vérifie le respect des critères du commerce équitable jusqu’aux confectionneurs. Par ailleurs, le label n’oblige pas les coopératives à rendre des comptes sur l’usage des pesticides, comme le font les labels GOTS, Oeko-Tex, bioRe ou Eko Skal.
« Nous sensibilisons les paysans à l’agriculture biologique et près de la moitié de ceux avec lesquels Chetna Organic travaillent sont déjà certifiés bio, explique néanmoins Valeria Rodriguez, porte-parole de Fairtrade-Max Havelaar en France. Le coton équitable est en fait un levier, car il donne les moyens de passer progressivement au coton bio, grâce à l’attribution d’une prime supplémentaire aux coopératives. »
Le contexte local est favorable : l’Inde produit déjà 47 % du coton bio mondial, soit près de 90 000 tonnes par an de coton fibre (la ouate débarrassée de ses graines), d’après un rapport de l’ONG Textile Exchange publié en novembre 2019.
« Le coton équitable reste une toute petite niche »
Arun Chandra Ambatipudi, directeur de Chetna Organic, se veut plus précis : « Nous apprenons aux cultivateurs à laisser l’écosystème agir de lui-même. On les incite par exemple à faire pousser des œillets d’Inde, du millet et du maïs entre les rangs de coton, pour attirer dans le champ les prédateurs des parasites du coton, comme les coccinelles et les araignées. Les cotonniers, eux, peuvent être pulvérisés avec des décoctions d’ail, de piment rouge, de feuilles de papayer ou de margousier, mélangées à du purin et de la bouse de vache. »
S’agissant des engrais, l’ONG pousse à l’usage du compost, en montrant aux agriculteurs l’intérêt de planter aux abords des champs de coton des rangées de tecks et d’anacardiers (l’arbre qui produit la noix de cajou), dont les feuilles en état de décomposition fournissent un excellent terreau.
« Le coton équitable reste une toute petite niche. En Afrique, ça ne prend pas, et l’Inde a fait marche arrière, après avoir découvert que de fausses certifications circulaient dans les campagnes. Résultat, nombre d’acheteurs européens intéressés par la filière équitable se tournent aujourd’hui vers la Turquie », indique un grand négociant européen qui souhaite conserver l’anonymat.
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Depuis, les contrôles ont été renforcés par Flocert, l’organisme basé en Allemagne qui audite Fairtrade International, la fédération à laquelle appartient Fairtrade-Max Havelaar. « Avant même de déposer une demande de label, il y a deux ans de travail préparatoire pour répondre aux exigences économiques, sociales et environnementales. Ensuite, la coopérative fait l’objet d’un audit de six mois et une fois attribué, le label est soumis à renouvellement tous les trois ans », précise Gourachandra Dalpati, membre du conseil d’administration de la licence Fairtrade International en Inde.
Le sous-continent a la particularité de développer des variétés de coton hybride qui font baisser les rendements. Mais selon Fairtrade-Max Havelaar, l’hybridation est le meilleur moyen, sur le terrain, de lutter contre le coton génétiquement modifié en laboratoire. « La lutte contre les OGM fait partie de nos priorités », affirment ses dirigeants, qui rappellent que 97 % du coton indien est aujourd’hui issu des OGM. Au début des années 2000, la proportion n’était que de 5 %.
« Blocage »
« Avec la prime de développement reçue de Fairtrade International, nous achetons des semences non OGM auprès d’une pépinière bio, nous équipons deux écoles publiques de matelas, de draps et de couvertures, et nous installons des panneaux solaires pour faire fonctionner un système d’irrigation », rapporte Kamalini Naik, dirigeante de l’une des douze coopératives regroupées sous la bannière de Chetna Organic.
Dans les collines de Niyamgiri, les femmes de Kanikupa ont pu, elles, monter un dispositif de microcrédit qui offre aux familles la possibilité d’acheter des semences et des engrais, d’acheter des vêtements aux enfants, de financer les mariages, de s’équiper d’un téléphone… Elles appellent leur système le e-Shakti, en hommage à la déesse hindoue qui symbolise la force créatrice primordiale.
> Lire aussi  Le commerce équitable : l'autre aide au développement
Pour que tous ces projets réussissent, encore faut-il que le consommateur s’intéresse au sujet. En France, cela fonctionne assez bien dans l’agroalimentaire, où la notion d’aide au producteur est facile à appréhender : 10 % des bananes et 3 % du café vendus dans l’Hexagone sont « équitables ».
Mais dans le textile, il y a « un blocage », déplore Fairtrade-Max Havelaar. Le client final est éventuellement sensible à la condition des petits ateliers de confection, surtout depuis le drame du Rana Plaza, cet immeuble qui s’était effondré en 2013 au Bangladesh, tuant plus d’un millier d’ouvriers de l’habillement. « En revanche, le consommateur ne pense pas aux cultivateurs du coton », pointe Fairtrade-Max Havelaar, qui se prend à rêver que les organisateurs des Jeux olympiques de 2024, à Paris, imposent le coton équitable à toutes les disciplines sportives et à tous les pays participants.
<https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/07/31/le-coton-equitable-un-espoir-pour-les-paysans-de-l-odisha-en-inde_6047776_3244.html <https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/07/31/le-coton-equitable-un-espoir-pour-les-paysans-de-l-odisha-en-inde_6047776_3244.html>>
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8- Tribune. « L’Europe peut nous aider à sauver l’Amazonie », Le Monde, 31/07/20, 06h00
Par Sonia Guajajara, Coordonnatrice exécutive de l'Articulation des peuples indigènes au Brésil & Marie Laura Canineu, Directrice du bureau de Human Rights Watch au Brésil

Alors que la destruction de la forêt tropicale se poursuit, Sonia Guajajara, coordonnatrice exécutive de l’Articulation des peuples indigènes du Brésil, et Maria Laura Canineu, directrice du bureau de Human Rights Watch, exhortent dans une tribune au « Monde » l’Union européenne à ne pas ratifier l’accord commercial avec le Mercosur si le chef d’Etat brésilien n’honore pas ses engagements environnementaux
Tribune. « Notre maison brûle », avait réagi le président Emmanuel Macron en août 2019, alors que les feux de forêt faisaient rage en Amazonie brésilienne. « Dans ces conditions », avertissait-il, la France n’appuierait pas l’accord commercial en cours de négociation entre l’Union européenne (UE) et le Mercosur [alliance commerciale entre le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay], qui prévoit des engagements à lutter contre la déforestation.
La situation en Amazonie n’a fait que s’aggraver, surtout pour nos communautés autochtones, en première ligne des efforts de défense de la forêt tropicale. On s’attend à ce que les incendies reprennent bientôt, et qu’ils soient peut-être même pires qu’en 2019, alors même que nous sommes encore sous le choc de la pandémie de Covid-19, qui ravage les communautés de l’Amazonie et le Brésil tout entier.
> Lire aussi  Valérie Cabanes : « La rhétorique écologique des dirigeants français relève surtout d’éléments de langage »
Maintenant, plus que jamais, nous avons besoin que les dirigeants européens s’expriment sur des engagements forts en faveur de l’environnement – comme l’a fait Emmanuel Macron le 29 juin lorsqu’il a réitéré ses doutes à propos de l’accord UE-Mercosur. Mais, s’ils veulent avoir un impact réel, ils devraient énoncer plus clairement ce que le Brésil doit faire exactement pour lever leurs doutes quant aux engagements du pays à lutter contre le réchauffement climatique.
Forte reprise de la déforestation au Brésil
Le président brésilien Jair Bolsonaro a rejeté avec rage les critiques de Macron et des autres dirigeants européens, qu’il voit comme des insultes à la souveraineté brésilienne. Mais Bolsonaro ne parle pas au nom des nombreux Brésiliens, d’origine autochtone et non autochtone, qui se battent depuis des années pour préserver notre forêt.
Il fut un temps où le Brésil était un leader mondial de la préservation des forêts. Entre 2004 et 2012, nous avions réussi à atteindre une diminution de 80 % de la déforestation. Mais après 2012, avec des coupes budgétaires et des politiques indigentes qui ont fragilisé les instances de protection de l’environnement, la déforestation a repris de plus belle.
> Lire aussi  « La forêt européenne, notre “poumon”, se consume elle aussi »
Cette recrudescence est le fait de réseaux criminels violents contre lesquels le gouvernement de Bolsonaro n’a strictement rien fait pour nous protéger. En 2019, un rapport de Human Rights Watch a documenté comment ces mafias locales menacent, attaquent et tuent des agents de la protection de l’environnement, des membres de communautés autochtones et d’autres personnes vivant dans la forêt tropicale qui se mettent en travers de leur chemin. Les meurtriers sont rarement traduits en justice.
La déréglementation de la politique environnementale
Autrement dit, le véritable conflit autour de l’Amazonie n’oppose pas la souveraineté brésilienne et l’écologie européenne, mais les mafias criminelles pillant la forêt tropicale et les Brésiliens respectueux de la loi qui tentent de les arrêter.
> Lire aussi  Incendies en Amazonie : il faut que « la forêt debout rapporte plus que le déboisement »
Bolsonaro se range de fait du côté des mafias. Il a saboté les agences de protection de l’environnement du Brésil, déjà fragilisées, et s’est donné pour mission d’écarter les groupes de défense de l’environnement. Son ministre de l’environnement a récemment été enregistré en train de l’exhorter à poursuivre la déréglementation de la politique environnementale tant que l’attention des médias est accaparée par la pandémie de Covid-19.
Rien d’étonnant dans ces circonstances à ce que la déforestation ait augmenté de plus de 80 % en 2019 – d’après des données basées sur les alertes en temps réel de l’Institut de recherches spatiales brésilien – et continue à augmenter cette année ; ni que les menaces envers les défenseurs de la forêt se soient poursuivies, de même que la progression dans les territoires autochtones des mineurs, bûcherons et autres intrus, enhardis par les politiques anti-environnementales de Bolsonaro.
Etablir des critères clairs basés sur des résultats concrets
Les scientifiques affirment que la déforestation incontrôlée pousse rapidement l’Amazonie vers un « point de basculement » où elle cessera d’être un « puits de carbone » et libérera les quantités massives de carbone qu’elle avait stockées. Cela empirera la crise climatique, qui menace tout autant les Européens que les Brésiliens.
L’accord de libre-échange entre l’UE et le Mercosur, dont les grands principes ont été convenus en juin, comprend des engagements à lutter contre la déforestation et à respecter l’accord de Paris sur le climat. Mais quel sens cela aurait-il que l’UE ratifie cet accord, alors que Bolsonaro manifeste ouvertement son intention de ne pas honorer une seule de ses composantes en démantelant délibérément la capacité du Brésil à se conformer à ces dispositions et en précipitant ce « point de basculement » où toute conformité pourrait devenir impossible ?
> Lire aussi  « Il faut mieux protéger l’Amazonie »
L’UE devrait au contraire adresser un message clair et catégorique à Bolsonaro : pas de ratification tant que le Brésil ne se montre pas disposé à honorer ses engagements environnementaux. Pour évaluer cette disposition, des critères clairs devraient être établis, basés sur des résultats concrets, et non sur des plans ou propositions.
> Lire aussi  « Les projets anti-écologiques de Bolsonaro créent un risque pour les entreprises »
Ces critères devront s’attaquer aux problèmes corrélés au cœur de cette crise : la violence et la déforestation.
Premier point : des progrès substantiels devront être faits pour mettre fin à l’impunité pour les violences à l’encontre des défenseurs de la forêt, mesurés par le nombre d’affaires de ce type faisant l’objet d’une enquête, de poursuites et d’un procès.
Second point : une réduction du taux de déforestation suffisante devra être opérée pour remettre le pays sur la voie de la réalisation de ses propres objectifs dans le cadre de l’accord de Paris.
Bolsonaro ne se soucie pas de ce que les Brésiliens comme nous ont à dire, au sein des communautés autochtones et de la société civile. Il ne se soucie pas davantage de protéger la forêt tropicale ou de combattre le réchauffement climatique. Il est en revanche certain que l’accord UE-Mercosur a une grande importance pour lui et son gouvernement. La France et l’Union européenne devraient utiliser intelligemment cette opportunité. Cela pourrait bien être notre dernier espoir de protéger nos territoires autochtones et de sauver notre Amazonie.
<https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/07/31/l-europe-peut-nous-aider-a-sauver-l-amazonie_6047779_3232.html <https://www.lemonde.fr/idees/article/2020/07/31/l-europe-peut-nous-aider-a-sauver-l-amazonie_6047779_3232.html>>
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9- Les projets d’abattage mobile à la ferme connaissent un coup d’accélérateur, Le Monde, 31/07/20, 11h07
Mathilde Gérard 

Des éleveurs espèrent mettre en œuvre, courant 2021, des unités d’abattage mobile, pour garantir un meilleur traitement des animaux et revitaliser des filières locales. 
Elle s’était fixé un délai de soixante jours, six auront suffi. L’éleveuse bourguignonne Emilie Jeannin a bouclé, jeudi 30 juin, son appel à financement participatif de 250 000 euros, lancé sur la plate-forme spécialisée Miimosa dans le but de mettre en œuvre le premier abattoir mobile en France. Le projet, qu’elle espère voir se concrétiser en 2021, consiste en un camion entièrement aménagé, qui se déplacerait sur les exploitations pour y abattre des bovins à la ferme, en présence de leur éleveur. Un tel modèle était jusqu’à peu interdit, l’abattage devant impérativement être effectué dans une structure agréée. Mais une disposition de la loi agriculture et alimentation (EGalim) a ouvert la voie en avril 2019 à l’expérimentation de l’abattage mobile, sans qu’aucun projet ait encore abouti.
En Loire-Atlantique, le projet d’un collectif de 150 éleveurs a lui aussi connu une franche accélération. L’association Aalvie (pour Abattage des animaux sur leur lieu de vie) a lancé, début juillet, un appel à financement sur la même plate-forme Miimosa pour créer une filière d’abattage à la ferme dans le département et en Vendée. Quelques semaines plus tard, elle a récolté près de 50 000 euros, loin de l’objectif final de 1 million d’euros, mais c’était suffisant pour franchir un premier palier et recruter un chargé de projet.
La démarche diffère légèrement du projet bourguignon – où toutes les étapes d’abattage, jusqu’à la mise en carcasse, se dérouleraient dans le camion. Les éleveurs d’Aalvie envisagent eux une filière structurée autour d’unités fixes, à construire, et d’une flotte d’une douzaine de « caissons », des remorques faisant l’aller-retour entre les fermes et l’unité centrale. Les animaux seraient étourdis sur leur ferme, en présence de leur éleveur, puis chargés sur un caisson où serait réalisée la saignée, et enfin transportés, sous une heure au maximum, dans l’unité fixe pour le retrait des cuirs, l’éviscération et la mise en carcasse.
Eviter le stress
Dans les deux modèles, les gestes seraient effectués par des abatteurs professionnels, avec des contrôles vétérinaires ante et post mortem. En Loire-Atlantique, les services départementaux de la protection des personnes et la direction générale de l’alimentation ont assisté à un premier test et l’ont contrôlé, fin février, dans une ferme de Chateaubriant. « On sent une forte mobilisation autour de nous, d’éleveurs, bouchers, restaurateurs et consommateurs », s’enthousiasme Emilie Jeannin. Pour l’éleveuse de Beurizot (Côte-d’Or), « l’avenir, c’est de ne plus transporter des animaux sur de longues distances et de ne pas reconstruire ces grandes cathédrales que sont les abattoirs industriels ».
La France a connu un fort mouvement de concentration de l’abattage, passant de 1 200 établissements en 1970 à 263 en 2016 (hors abattoirs de volailles). Conséquence : les infrastructures se sont de plus en plus éloignées des fermes.« Dans notre secteur, le sud de la Loire-Atlantique et le nord de la Vendée, on n’a plus de capacité d’abattage de proximité depuis la fermeture de l’abattoir de Challans [placé en liquidation judiciaire en février 2019] », explique Guylain Pageot, éleveur laitier à Villeneuve-en-Retz (Loire-Atlantique) et président d’Aalvie.
Ne plus avoir de transport d’animaux vivants est ce qui a principalement motivé ces projets : « Généralement, les animaux sont achetés par un maquignon et ramassés par un camion qui fait le tour d’une quinzaine de fermes, décrit Mme Jeannin. Les bêtes se mélangent, se chamaillent pour remettre une hiérarchie, et sont le soir déposées dans un centre d’allotement, avant de repartir le lendemain, d’être à nouveau mélangées, et d’arriver dans un abattoir où elles sont manipulées par des personnes à qui on impose des cadences. C’est ainsi qu’on arrive à de la maltraitance. » 
> Lire aussi  Aux portes du Queyras, des éleveurs ont redonné vie à l’abattoir de Guillestre
Pour l’éleveuse, abattre à la ferme même où ont grandi les bêtes permet de réduire le stress de l’animal. « Quand le camion vient s’installer sur la ferme, les animaux restent dans leur environnement. Comme l’éleveur est présent jusqu’au bout, l’abatteur est obligé de bien se comporter. » 
Le projet de camion d’abattage bourguignon nécessite un investissement de 1,8 million d’euros, celui de caissons mobiles d’Aalvie est évalué à 3,5 millions d’euros. Le financement participatif « nous donne une assise financière, mais c’est aussi un témoignage du bien-fondé de notre démarche », argue Guylain Pageot. L’enjeu est également territorial : « Si on veut garder un peu de souveraineté alimentaire, il faut avoir des outils de transformation locaux sur les territoires », défend Emilie Jeannin.
<https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/07/31/les-projets-d-abattage-mobile-a-la-ferme-connaissent-un-coup-d-accelerateur_6047804_3244.html <https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/07/31/les-projets-d-abattage-mobile-a-la-ferme-connaissent-un-coup-d-accelerateur_6047804_3244.html>>
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10- Enquête "Le retour des communs" ( 5/6). ’aventure citoyenne des semences paysannes, « commun » nourricier, Le Monde, 31/07/20, 19h10
Claire Legros

Des maisons des semences préservent et redonnent vie à ce patrimoine de diversité cultivée. Une gouvernance dont les crises écologique et sanitaire révèlent la pertinence.
« Le retour des communs » ( 5/6). C’est un champ comme on n’en voit guère, où des épis de toutes tailles, mêlés de coquelicots, ondulent au vent léger de l’été normand. Il s’agit en réalité d’une maison de semences associative où des variétés de blé, d’avoine, d’orge, d’engrain ou d’épeautre, aux appellations sympathiques − le Bon Cauchois, le Blanc de Flandres, le Gros Bleu −, sont cultivées par l’association Triticum. La collection compte une centaine d’espèces dont les plus anciennes datent de − 8000 av. J.-C. et s’étend sur quatre hectares, à Roncherolles-sur- le-Vivier, dans la banlieue rouennaise (Seine-Maritime). « C’est une collection vivante car les semences évoluent en fonction du terroir et du climat, affirme Simon Bridonneau, qui a cofondé l’association en 2019. Ce bien commun est menacé de disparition. » 
En 2019, un rapport de l’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) alertait en effet sur la disparition d’une large partie de la biodiversité alimentaire et sur la menace qu’elle fait peser sur « l’avenir de notre alimentation, de nos moyens de subsistance, de notre santé et de notre environnement ». Selon les experts, les trois quarts de la diversité génétique présente dans l’agriculture ont disparu au cours du XXe siècle. Un an plus tard, la crise du Covid-19 a accéléré la prise de conscience : la souveraineté alimentaire est une préoccupation centrale pour les villes, dépendantes de nombreux acteurs souvent éloignés géographiquement − il suffit qu’un maillon cède pour que la chaîne d’approvisionnement s’arrête. « Cette dépendance vaut aussi pour la semence, poursuit Simon Bridonneau. Le système agro-industriel impose aux agriculteurs comme aux jardiniers de racheter des semences chaque année, associées aux engrais et pesticides nécessaires à leur culture, alors qu’ils pourraient les produire eux-mêmes. »
L’association normande de Simon Bridonneau appartient au Réseau semences paysannes, créé en 2003 pour redonner vie à ce patrimoine vivant et défendre le droit des agriculteurs à produire et à échanger des semences. Il regroupe plusieurs dizaines de « maisons des semences paysannes » qui s’attachent à sélectionner et à adapter des variétés à leur terroir. Depuis près de vingt ans, ces maisons réalisent un travail minutieux et patient de collecte des semences anciennes, mais aussi de réappropriation et de transmission des savoir-faire nécessaires pour les reproduire tout en les adaptant au changement du climat. Une démarche qui, pour Elise Demeulenaere, socioanthropologue au CNRS, « relève de la notion de “commun”, car elle repose sur trois éléments : une ressource, une communauté qui la maintient et l’enrichit et des règles qui encadrent l’usage du bien ». 
Libres de droit
La notion de « commun » a été définie, au début du XXIe siècle, par la politiste américaine Elinor Ostrom. Récompensée par l’équivalent du prix Nobel d’économie en 2009, elle a montré, à partir d’observations de terrain, que des communautés parviennent à organiser durablement des « règles d’usage » sans recourir ni à l’Etat ni à la propriété privée, afin de garantir la survie de leurs membres et la préservation d’un réservoir de ressources pour les générations suivantes.
Cette notion de « commun », le Réseau semences paysannes l’a expérimentée avant de l’explorer du point de vue théorique. Car l’une des particularités des semences paysannes, c’est qu’on ne peut les cultiver seul. « Personne ne peut dire “c’est ma semence” », note Robert Ali Brac de La Perrière, ancien chercheur généticien, coordinateur de l’association Biodiversité échanges et diffusion d’expériences à Montpellier et auteur de Semences paysannes, plantes de demain (édition Charles Léopold Mayer, 2014). « Une variété évolue en fonction des autres variétés et espèces cultivées alentours, elle peut subir les aléas climatiques, on peut la perdre. La partager avec ses voisins permet de la préserver en cas de besoin. »
Au fil du temps, des règles sont venues encadrer les activités du réseau : on ne transmet pas plus d’une poignée de graines lors du premier échange, on doit redonner au collectif à la première récolte. « Certaines variétés potagères doivent être réparties entre plusieurs jardiniers afin d’éviter les croisements qui conduisent à perdre la variété d’origine », ajoute Marie Giraud, maraîchère dans la haute vallée de l’Orb, qui, avec son mari, a fait le tour des villages de la région pour sauver l’oignon doux méditerranéen de Terrassac, « non par amour du passé mais parce que ces populations dynamiques sont plus adaptées à la culture biologique ». Au sein du collectif Pétanielle, dans le Tarn, orienté sur la préservation de blés locaux, le choix des variétés cultivées est décidé chaque année par les adhérents « avec le souci de trouver un modèle économique à l’agriculteur, explique Christophe Pouyanne, l’un des membres. Notre projet est de redonner à ces variétés paysannes une place dans une économie relocalisée ».
Ces méthodes empiriques ont apporté, en 2008, la preuve de leur efficacité du point de vue de la diversité génétique. Une étude réalisée sur une variété ancienne de blé, sous la direction de la généticienne Isabelle Goldringer, a ainsi montré une plus grande diversité dans les champs des paysans que dans les collections de ressources génétiques des institutions de recherche. Un constat qui a fourni, selon Elise Demeulenaere, « des arguments scientifiques pour contester l’idéal industriel d’obtenir des variétés végétales fixes » et montré que la biodiversité se nourrit des différences entre les terroirs et les savoir-faire paysans. C’est pour cette raison que les membres du réseau défendent l’idée d’une recherche scientifique participative qui se pratique dans les laboratoires, mais aussi dans les champs, par la sélection à la ferme.
> Lire aussi Les semences paysannes font leur retour dans les champs
Cette gouvernance citoyenne s’organise en marge du marché officiel, qui est strictement encadré depuis le milieu du XXe siècle. Avec le développement de l’agriculture intensive, la sélection des graines, traditionnellement dévolue aux paysans, a été transférée à des semenciers professionnels : les politiques publiques et les réglementations ont depuis lors encouragé les agriculteurs à abandonner les variétés de pays et la sélection à la ferme. Conçues en laboratoire et en station expérimentale, les semences industrielles, génétiquement homogènes, garantissent des rendements élevés et prévisibles mais elles nécessitent souvent l’apport d’engrais et de pesticides. Parce qu’elles sont traçables et stables, elles peuvent en outre prétendre à une protection intellectuelle et obtenir un certificat d’obtention végétale (COV), ce qui ouvre la voie à leur homologation officielle pour la commercialisation.
Ce n’est pas le cas des variétés rustiques issues de la sélection paysanne : elles sont libres de droits et elles ne souscrivent pas aux critères d’homogénéité et de stabilité requis pour obtenir un COV, car elles évoluent au gré du climat, des terroirs et des savoir-faire. De ce fait, elles sont interdites à la vente à des maraîchers professionnels, même si, depuis la loi sur la biodiversité de 2016, l’échange des semences de gré à gré entre agriculteurs est toléré dans le cadre de « l’entraide paysanne ». Depuis le 10 juin, la vente de semences paysannes est aussi explicitement autorisée aux jardiniers amateurs − à condition qu’ils ne fassent pas de leur récolte un usage commercial.
Pression commerciale
Au sein du mouvement social mondial de résistance à l’appropriation du vivant par l’agro-industrie, le Réseau semences paysannes suit une ligne de crête : d’un côté, il s’oppose à la réglementation qui interdit aux paysans, par les droits de propriété intellectuelle, la réutilisation des semences. De l’autre, il constate aussi les limites de la libre circulation des graines à l’échelle de la planète, qui conduirait à ignorer la contribution des communautés paysannes à la gestion de l’agrobiodiversité. Comme le souligne Elise Demeulenaere, « l’accent est donc mis sur la nécessité d’une réglementation qui pérennise ces systèmes alternatifs » et favorise « l’autonomie paysanne, le développement local, une alimentation saine et goûteuse, et le respect du vivant ». 
Cette gouvernance en « commun » peut-elle résister à la pression commerciale, favorisée par les crises écologique et sanitaire, alors que les variétés anciennes et rustiques suscitent un intérêt croissant ? Comment protéger ce patrimoine nourricier et les valeurs et savoir-faire qui y sont associés, sans recourir soi-même à la logique d’appropriation du vivant que l’on conteste ? La question suscite de vifs débats au sein du mouvement depuis qu’une des maisons a signé un partenariat avec les supermarchés Carrefour. Si une charte encadre depuis lors les pratiques, le réseau a finalement renoncé à créer un label pour protéger son travail. « Ce serait admettre la marchandisation des semences paysannes, estime Christophe Pouyanne, membre du conseil d’administration du réseau. La seule issue, c’est le collectif. La notion de “commun” peut paraître faible face aux forces du marché : c’est vrai que rien n’empêche quelqu’un, à l’extérieur du mouvement, d’utiliser le travail que nous avons réalisé. En revanche, elle permet de faire vivre l’idée que la semence est un bien commun à condition d’être associée à une communauté capable de la gérer collectivement. » « Les semences paysannes, un commun » est d’ailleurs devenu un slogan du réseau.
<https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/31/l-aventure-citoyenne-des-semences-paysannes-commun-nourricier_6047785_3451060.html <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/31/l-aventure-citoyenne-des-semences-paysannes-commun-nourricier_6047785_3451060.html>>
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« Le retour des communs », une série en 6 épisodes
• Judith Rochfeld « Les citoyens obligent leur gouvernement à réintégrer les communs en politique » <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/27/judith-rochfeld-les-citoyens-obligent-leur-gouvernement-a-reintegrer-les-communs-en-politique_6047365_3451060.html>
• Après la crise, les communs numériques en quête de reconnaissance <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/28/apres-la-crise-les-communs-numeriques-en-quete-de-reconnaissance_6047455_3451060.html>
• Vaccins et médicaments : la longue marche vers des « communs de la santé » <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/28/apres-la-crise-les-communs-numeriques-en-quete-de-reconnaissance_6047455_3451060.html> 
• Posséder la terre en « commun », pour mieux la protéger <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/30/posseder-la-terre-en-commun-pour-mieux-la-proteger_6047648_3451060.html>
• L’aventure citoyenne des semences paysannes, « commun » nourricier <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/07/31/l-aventure-citoyenne-des-semences-paysannes-commun-nourricier_6047785_3451060.html>
• Les communs urbains, graines de démocratie locale <https://www.lemonde.fr/series-d-ete/article/2020/08/01/les-communs-urbains-graines-de-democratie-locale_6047869_3451060.html>
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11- Feu de forêt maîtrisé à Anglet, 165 hectares détruits, enquête ouverte, AFP, 31/07/20, 22:00
Carole Suhas

Le spectaculaire incendie qui a pris jeudi soir dans une forêt au coeur d'Anglet (Pyrénées-Atlantiques) a été maîtrisé vendredi après avoir détruit 165 hectares de forêts et de végétation et plusieurs maisons, sans faire de victimes, mais le site reste sous surveillance.
"Dieu merci", le bilan humain n'est "pas lourd", a dit Éric Spitz, le préfet du département, au côté de Claude Olive, maire LR d'Anglet (40.000 habitants).
"Une vingtaine de personnes sont passées par l'hôpital mais toutes sont ressorties sans problème, dont 2 pompiers et 9 policiers", a-t-il précisé.
Cent hectares ont brûlé dans la forêt de Chiberta ainsi que 65 hectares de végétation au sein des lotissements adjacents, a détaillé le préfet.
Selon la municipalité d'Anglet, 24 logements ont été touchés par le sinistre, dont 5 maisons détruites par les flammes, alors qu'une centaine d'habitants ont dû évacuer d'urgence et passer la nuit dans un centre d'hébergement.
Certains d'entre eux, dont les maisons ont été épargnées, ont pu rentrer chez eux vendredi, selon la préfecture. D'autres ont trouvé une solution de relogement "grâce à de nombreux élans de solidarité", a précisé la ville.
Le site reste "sous surveillance", selon la préfecture, après voir requis les efforts de 150 sapeurs-pompiers, 60 policiers et d'équipes du Samu.
Si l'origine de feu est toujours inconnue, le maire, très ému, a dit ressentir "de la colère" devant "un spectacle de désolation", soulignant que dans "une forêt très fréquentée" comme celle-là, "il y a des règles à respecter".
Une enquête, confiée à la police judiciaire de Bayonne, a été ouverte par le parquet de cette ville pour "destruction par incendie". Le procureur Jérôme Bourrier a rappelé que "même en l'absence de caractère intentionnel", la destruction de forêts peut constituer un délit passible de 5 à 7 ans d'emprisonnement.
- "La forêt va devoir changer" -
Après "l'effroi", l'heure est "à l'expertise de ce qui s'est passé" pour avoir "la réponse la plus adaptée", a déclaré vendredi soir sur place la secrétaire d'Etat chargée de la biodiversité, Bérangère Abba, qui a promis que "l'effort du gouvernement sera réel".
Les choix en matière de gestion de forêt "doivent être reconsidérés au regard du contexte climatique et environnemental", a-t-elle ajouté, alors que reviennent en boucle des interrogations sur la physionomie de cette pinède de Chiberta, volontairement sauvage avec beaucoup de végétation au sol.
La forêt appartient à trois entités : la ville, le département et une congrégation catholique privée. 
"Les grands objectifs de gestion (de la forêt) ont été définis avec eux, et tous étaient d'accord pour s'engager dans un mode de forêt urbaine et non pas un parc, qui soit accueillante mais avec, tout de suite à côté, de la biodiversité intacte", a expliqué Antoine de Boutray, directeur départemental de l'Office national des forêts. 
Selon lui, "il faudra adapter la gestion après ce qui vient de se passer et si on continue à avoir des crises climatiques comme on en connaît, la forêt va devoir changer".
Le responsable estime que le massif peut surmonter ce drame : "On compte sur les zones épargnées pour avoir servi de refuge aux mammifères et surtout aux insectes, qui vont pouvoir recoloniser".
Le feu s'est déclaré jeudi en fin d'après-midi, attisé par le vent et nourri par la sécheresse et la forte chaleur. Le mercure était d'ailleurs monté jeudi à 41,9 °C à Saint-Jean-de-Luz, non loin d'Anglet sur la côte basque.
Les conditions météorologiques, "dantesques avec parfois des bonds de feu de 50 à 100 m" d'après le préfet, ont compliqué la tâche des pompiers, tout comme la haute taille des pins du massif, "très difficiles à atteindre", d'après le secrétaire général de la préfecture Eddie Bouttera.
La forêt de Chiberta, îlot de verdure de 250 hectares en pleine agglomération de Bayonne-Anglet-Biarritz, est située entre le fleuve Adour et l'Atlantique et bordée notamment par un prestigieux parcours de golf et de luxueuses villas.
<https://information.tv5monde.com/info/feu-de-foret-maitrise-anglet-165-hectares-detruits-enquete-ouverte-369311 <https://information.tv5monde.com/info/feu-de-foret-maitrise-anglet-165-hectares-detruits-enquete-ouverte-369311>>
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12- Augmentation de 28% des incendies en Amazonie brésilienne en juillet, AFP, 01/08/20, 18:00

Le nombre d'incendies de forêt en Amazonie brésilienne a augmenté de 28% le mois dernier par rapport à juillet 2019, selon les données satellitaires publiées samedi, alimentant les craintes que la plus grande forêt tropicale du monde ne soit à nouveau dévastée par les incendies cette année.
L'Institut spatial national du Brésil, l'INPE, a identifié 6.803 incendies dans la région amazonienne en juillet 2020, contre 5.318 l'année précédente.
Sur la seule journée du 30 juillet, les satellites ont détecté 1.007 incendies en Amazonie, a indiqué l'INPE, le pire jour pour un mois de juillet depuis 2005, a souligné Greenpeace.
Ce chiffre est encore plus inquiétant pour les chercheurs car 2019 a déjà été une année dévastatrice pour l'Amazonie, provoquant des manifestations de protestation dans le monde entier. 
En conséquence, les pressions se sont accrues sur le Brésil, gouverné par le président ultra-conservateur Jair Bolsonaro, pour qu'il s'engage à faire plus pour protéger cette gigantesque forêt, que les scientifiques estiment vitale dans la lutte contre le changement climatique. 
Les incendies ont essentiellement pour but de défricher illégalement des terres afin de laisser la place à l'agriculture, l'élevage ou l'exploitation minière.
Les militants écologistes accusent Bolsonaro, qui s'est montré sceptique envers le changement climatique, d'encourager la déforestation avec des appels à ouvrir la forêt tropicale à l'activité agricole et à l'industrie.
"Plus de mille incendies en une seule journée, c'est un record depuis 15 ans et cela montre que la stratégie du gouvernement de mener des opérations de divertissement médiatique ne fonctionne pas sur le terrain", a déclaré le porte-parole de Greenpeace-Brésil, Romulo Batista, dans un communiqué.
Le président Bolsonaro a mobilisé l'armée pour lutter contre les incendies, mais les écologistes estiment qu'il ne s'attaque pas aux causes réelles des incendies et de la déforestation.
<https://information.tv5monde.com/info/augmentation-de-28-des-incendies-en-amazonie-bresilienne-en-juillet-369493 <https://information.tv5monde.com/info/augmentation-de-28-des-incendies-en-amazonie-bresilienne-en-juillet-369493>>
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13- Californie : les pompiers peinent à contenir un incendie à l'est de Los Angeles, AFP, 03/08/20, 06:00

Des milliers de pompiers californiens combattaient dimanche un incendie menaçant de nombreux habitants près de la ville de San Bernardino, à une centaine de kilomètres à l'est de Los Angeles.
L'"Apple Fire" qui s'est déclaré vendredi en fin d'après-midi a déjà ravagé plus de 8.300 hectares dans la Cherry Valley et la forêt nationale de San Bernardino, dans le sud de la Californie.
La fumée se dégageant de la végétation calcinée était visible à des kilomètres à travers la région, poussant le département de gestion de la qualité de l'air de la côte sud à émettre une alerte samedi soir. 
Au moins 2.600 foyers et près de 7.800 personnes ont dû être évacuées et les pompiers n'étaient pas en mesure d'annoncer quand les habitants pourraient revenir chez eux.
A 11H00 (18H00 GMT), plus de 1.300 soldats du feu, assistés d'hélicoptères, de camions et de bombardiers étaient déployés dans la zone.
En soirée, les pompiers ont réussi à contenir 5% du feu, après en avoir perdu le contrôle dans l'après-midi.
Après avoir réussi à contenir 12% de l'incendie en début de journée, le feu n'était plus contenu en début d'après-midi et continuait à grossir. Mais en soirée, les pompiers avaient réussi à contenir 5% du feu.
Aucune victime n'a été signalée pour le moment, les dégâts se limitant à deux immeubles et une maison.
Les bords nord et sud de l'incendie se situent dans des flancs de collines raides et accidentés, peu accessibles aux camions de pompiers, ont expliqué les autorités. 
La végétation dense a par ailleurs nourri le feu qui a continué à brûler avec beaucoup d'intensité près d'habitations, a détaillé vendredi Fernando Herrera, capitaine des pompiers du comté de Riverside. 
L'activité de l'incendie devrait rester élevée dimanche, en raison des températures chaudes et de la sécheresse. 
Une enquête est en cours pour déterminer l'origine du feu, qui pourrait être criminelle.
<https://information.tv5monde.com/info/californie-les-pompiers-peinent-contenir-un-incendie-l-est-de-los-angeles-369602 <https://information.tv5monde.com/info/californie-les-pompiers-peinent-contenir-un-incendie-l-est-de-los-angeles-369602>>
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14- Origines, répartition, conséquences : visualisez l’évolution des feux de forêts en France, Le Monde, 03/08/20, 21h09
Aude Lasjaunias

Début juillet, le président de la Fédération nationale des sapeurs-pompiers avait mis en garde : l’été 2020 sera celui de « tous les dangers » en matière d’incendies. Depuis deux ans, l’ensemble du pays est touché par la sécheresse et la chaleur. 
Plus d’un demi-millier d’hectares partis en fumée, le 27 juillet, en Gironde et dans le Loiret ; 165 hectares brûlés dans une forêt au cœur de la ville d’Anglet, dans les Pyrénées-Atlantiques, le 31 juillet ; 70 hectares de forêt détruits et 15 habitations évacuées en Ardèche, le 1er août… La France a connu, en fin de semaine, son premier « pic de chaleur intense » de l’été avec des températures atteignant localement 41 °C, et avec lui ses premiers grands incendies de la saison.
De quoi faire écho à la mise en garde faite début juillet à l’Agence France-Presse (AFP) par le président de la Fédération des sapeurs-pompiers de France (FNSPF), Grégory Allione : l’été 2020 pourrait être celui de « tous les dangers ».
> Lire aussi  Caniculaire ? Plus chaud que 2019 ? Ce que l’on peut prévoir (ou non) pour l’été 2020
D’autant que le mois de mai s’était achevé avec une température moyenne plus chaude que la normale, signant ainsi une série inédite de douze mois consécutifs où le mercure a été anormalement élevé. L’excédent thermique était alors de 1,8 °C par rapport à la moyenne de référence constatée entre 1981 et 2010, rapportait ainsi Météo-France. La sécheresse et la chaleur influent fortement sur la sensibilité de la végétation aux flammes. Et, depuis deux ans, « l’ensemble du territoire est désormais régulièrement affecté » par ces phénomènes, insistait M. Allione.
> Lire aussi : Soleil, chaleur, sécheresse... Des records météo pendant ce printemps confiné
• Neuf départs d’incendie sur dix sont d’origine humaine
Les causes des feux de forêt en Gironde et dans le Loiret restent inconnues, mais ils seraient partis de bords de route, évoquant l’hypothèse d’une origine anthropique. La piste criminelle est, en revanche, « incontestable » pour la dizaine de départs de feu très rapprochés qui ont ravagé 20 hectares à Sainte-Cécile-d’Andorge, dans le Gard, jeudi 30 juillet.
A Anglet, le feu de forêt était « d’origine humaine », selon les premières constatations. Une enquête a été ouverte et le procureur de Bayonne, Jérôme Bourrier, a souligné que « même en l’absence de caractère intentionnel », la destruction de forêts peut constituer un délit passible de cinq à sept ans de prison. Dans « une forêt très fréquentée » comme celle-là, « il y a des règles à respecter », a martelé le maire d’Anglet, Claude Olive.
Car neuf départs de feux sur dix sont le fait d’une activité humaine, rappelait le ministère de la transition écologique, fin juin. Celle-ci peut être :
- Une activité économique : chantiers de BTP, activités agricoles, dilatation des câbles électriques…
- Une activité du quotidien : mégots de cigarettes, barbecues ou feux de camps, incendie de véhicule ou de poubelle…
- Un acte de malveillance
Certaines données permettent d’évaluer la proportion représentée par la dernière catégorie. En 2019, la base de données Prométhée, alimentée par les pompiers et les forces de l’ordre et portant sur quinze départements du sud-est de la France – Corse, région Provence-Alpes-Cote d’Azur, l’ancienne région Languedoc-Roussillon, l’Ardèche et la Drôme –, a ainsi recensé 1 725 feux de forêts. Les causes de 1 016 d’entre eux ont pu être identifiées et, parmi elles, près d’un tiers relevait d’un acte de malveillance.
>> Suite à lire et à voir à :
<https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/08/03/origines-repartition-consequences-visualisez-l-evolution-des-feux-de-forets-en-france_6048065_3244.html <https://www.lemonde.fr/planete/article/2020/08/03/origines-repartition-consequences-visualisez-l-evolution-des-feux-de-forets-en-france_6048065_3244.html>>
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15- Brésil : les pompiers dans l'enfer des incendies au Pantanal, AFP, 04/08/20, 10:00
Rogerio Florentino, avec Jordi Miro, à Brasilia

Les pompiers creusent une tranchée coupe-feu avec un tracteur muni d'une pelleteuse, pour tenter de limiter la propagation des pires incendies de ces dernières années au Pantanal, sanctuaire de biodiversité situé au sud de l'Amazonie brésilienne.
Les flammes ravagent depuis plusieurs jours la végétation autour de la ville de Poconé, dans l'Etat de Mato Grosso (centre-ouest). 
Pour faire face à cette situation dantesque, les pompiers travaillent jour et nuit, avec l'aide d'habitants de la région.
"Ça fait bientôt dix jours qu'on se bat contre les flammes. Plus de 50.000 hectares sont déjà partis en fumée", raconte à l'AFP Adrison Parques de Aguilar, qui a pris part à une opération nocturne ce week-end.
Les données satellitaires de l'Institut de Recherches spatiales (INPE) donnent toute l'ampleur du désastre: pas moins de 1.684 foyers ont été repérés au Pantanal en juillet, du jamais vu pour ce mois de l'année depuis que ces statistiques ont commencé à être recueillies, en 1998.
La plus grande zone humide de la planète, qui se situe à 62% en territoire brésilien et s'étend aussi au Paraguay et en Bolivie, est censée être inondée jusqu'à 80% au moment des crues.
Mais les précipitations ont été beaucoup moins intenses cette année, exposant des pans entiers de végétation au risque des incendies.
Dans certains cas, les incendies qui se propagent aujourd'hui de façon pratiquement incontrôlable ont été causés par des agriculteurs pratiquant le brûlis sur des zones fraîchement déboisées pour y faire paître du bétail.
Le gouvernement avait pourtant interdit tout brûlis agricole pour quatre mois à partir de juillet.
- "Dégâts irréparables" -
Des dizaines de colonnes de fumée émergent tout au long de la Transpantaneira, route bordée d'arbustes qui traverse des ranchs et des lieux très visités par les touristes en raison de leur grande biodiversité.
"La flore et la faune ont été dévastées, ce sont des dégâts irréparables pour l'environnement", déplore Adrison Parques de Aguilar, tout en tentant d'éteindre les flammes avec sa lance à incendie.
Les pompiers se frayent tant bien que mal un chemin à travers les arbustes pour tenter d'identifier des foyers qui consument la végétation.
Ils avancent prudemment, en file indienne. Celui qui ferme la marche est armé d'un fusil de calibre 28 pour se défendre d'une éventuelle attaque de jaguar, fauve dont l'espèce est menacée d'extinction.
Le Pantanal, sanctuaire inscrit au Patrimoine mondial de l'Unesco, abrite des centaines d'espèces, comme le caïman, le capivara, une loutre géante, ou l'anaconda jaune.
"Ça fait plusieurs mois qu'il ne pleut pas. Tout est très sec, il n'y a pas eu de crue, le Pantanal a besoin de pluie", explique à l'AFP, le fermier Antônio Santana, désignant avec désolation un épais nuage de fumée. Il s'inquiète pour sa santé, celle de sa femme et de son petit-fils. 
La fumée risque de provoquer encore davantage de maladies respiratoires dans une région où le nombre de cas de coronavirus a fortement augmenté depuis juin.
<https://information.tv5monde.com/info/bresil-les-pompiers-dans-l-enfer-des-incendies-au-pantanal-369754 <https://information.tv5monde.com/info/bresil-les-pompiers-dans-l-enfer-des-incendies-au-pantanal-369754>>
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16- Incendie près de Marseille : 1.200 évacuations avant une nuit de lutte contre le feu, AFP, 05/08/20, 03:00
Clémence Fournival avec Julie Pacorel à Marseille

Quelque 1.200 personnes dont de nombreux touristes séjournant dans des campings du littoral méditerranéen près de Marseille ont été évacuées mardi soir, fuyant un violent incendie contre lequel les pompiers se préparent à "une lutte difficile toute la nuit".
Des touristes de plusieurs campings ont dû être rassemblés sur les plages de la Côte bleue, à l'ouest de Marseille, puis évacués par la mer, vers le port de pêche de Carro, avant d'être acheminées en bus vers des gymnases de Martigues où elles passeront la nuit, ont indiqué les pompiers.
Ce sont les marins-pompiers de Marseille qui ont coordonné les secours par la mer, venant relayer des policiers qui avaient réquisitionné des bateaux de plaisance pour aider des touristes en détresse, a témoigné à l'AFP un porte-parole de la police.
"Les policiers ont sauvé des centaines de personnes qui étaient dans une situation périlleuse, sur la toute plage des Tamaris, avec des enfants en bas âge alors que les flammes menaçaient", a indiqué Arnaud Louis, de la DDSP 13.
A l'abri dans un gymnase, couchée sur un lit de camp, Zoé, 12 ans, en vacances avec sa famille dans le camping La Source, raconte qu'elle était "en train de jouer" quand "ma maman est venue me chercher en panique pour prendre mes affaires".
"C'était la panique, on a du descendre sur la plage et on voyait les flammes se rapprocher", explique son arrière-grand-mère Maryse Escuder, 83 ans, "rassurée d'être arrivée dans le gymnase".
Les évacuations concernent "1.200 personnes", a précisé à l'AFP le préfet de la région Provence-Alpes-Côte d'Azur Pierre Dartout. 
- Une "lutte difficile" contre les flammes -
"Nous nous attendons à une lutte difficile toute la nuit", a déclaré à l'AFP une porte-parole des sapeurs-pompiers des Bouches-du-Rhône, alors que le feu continuait de progresser rapidement. 
Arrivé sur place vers minuit, le ministre de l'Intérieur Gérald Darmanin a salué sur BFMTV le travail des pompiers "qui vont y passer une grande partie de la nuit" et déploré "un drame pour la biodiversité des massifs des Bouches-du-Rhône".
L'incendie qui s'est déclenché dans l'après-midi en plein massif forestier avait déjà ravagé 800 hectares de végétation vers 22h00. 
Une journaliste de l'AFP présente à la Couronne, en bord de mer, a vu d'énormes panaches de fumée noire et des flammes en bord de route. Des avions bombardiers d'eau se sont succédé pour tenter d'éteindre les flammes et de ralentir leur progression.
L'incendie a parcouru huit kilomètres en deux heures, a précisé le Service départemental d'incendie et de secours (Sdis) des Bouches-du-Rhône sur Twitter.
Les routes de cette zone ont été fermées à la circulation.
Plus de 1.200 pompiers ont été mobilisés dans ce secteur proche des localités littorales de Carry-le-Rouet et de Sausset-les-Pins, alors que le vent ne faiblissait pas, avec des bourrasques jusqu'à 90km/h. Au plus fort de l'intervention, les pompiers ont été renforcés par des moyens aériens très importants: sept Canadairs, deux Dash, des hélicoptères bombardiers d'eau et des avions Pélican de la sécurité civile.
Le feu ne menace pas les installations industrielles de la zone de Fos-sur-mer, avait toutefois assuré à l'AFP Pierre Dartout, en début de soirée.
- Centres d'accueil -
"Nous étions à Martigues pour faire des courses mais maintenant nous ne pouvons plus rentrer chez nous à La Couronne. On a essayé de passer par la côte, mais toutes les routes sont coupées, ça brûle partout c'est épouvantable. On est très inquiets parce que mon père, qui est âgé, est resté à La Couronne et c'est dur de ne pas savoir ce qui se passe", a témoigné par téléphone, auprès de l'AFP, Mylène Greffeuille.
Dans la soirée, la mairie de Martigues, qui a procédé à l'évacuation d'un quartier, a annoncé l'ouverture de trois centres pour accueillir les personnes sorties des zones menacées par les flammes. 
Un journaliste de l'AFP a également constaté, à Sausset-les-Pins, commune limitrophe de Martigues, que plusieurs centaines de personnes, touristes et habitants, étaient accueillis dans un gymnase avec des lits de camp et de la nourriture.
Dès 18h00, une portion de l'autoroute A55 entre Marseille et Martigues a été fermée.
Depuis le week-end, l'accès à tous les massifs forestiers des Bouches-du-Rhône a été interdit en raison des vents violents et des fortes températures qui augmentent le risque d'incendies.
Entre 2015 et 2019, 9.300 ha de forêt ont brûlé en moyenne chaque année dans les départements du littoral méditerranéen.
<https://information.tv5monde.com/info/incendie-pres-de-marseille-1200-evacuations-avant-une-nuit-de-lutte-contre-le-feu-369852 <https://information.tv5monde.com/info/incendie-pres-de-marseille-1200-evacuations-avant-une-nuit-de-lutte-contre-le-feu-369852>>
Sur le même sujet :
> Dans un gymnase de Martigues, des touristes "choqués" évacués de leurs campings <https://information.tv5monde.com/info/dans-un-gymnase-de-martigues-des-touristes-choques-evacues-de-leurs-campings-369859>, AFP, 05/08/20, 03:00
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